St. Vincent : Séduisante étrangeté
St. Vincent vient de lancer un album sidérant qui défie l’auditeur tout en le faisant rêver.
Oscillant entre arrangements sophistiqués et une constante possibilité d’implosion, Actor, le deuxième album de l’Américaine Annie Clark, alias St. Vincent, dérange, charme et fascine par ses dynamiques inhabituelles. Une habile mathématique qui additionne les contrastes. "C’est un processus conscient, mais pas aussi prédéterminé qu’on pourrait le croire. Pour moi, la vie est ce stream of consciousness… Tu marches dans la rue en pensant à quelque chose et l’instant d’après, le souvenir d’un événement survenu 15 ans auparavant refait surface sans raison apparente. Tu te demandes ensuite de quoi sera fait le lendemain. Les émotions s’entremêlent en une vague bouleversante, forte. Je cherche à émuler tout ça par ma musique."
Si elle avait été écrivaine, Annie Clark aurait plongé l’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll dans l’univers trouble de Franz Kafka. Orchestration classique, interprétation posée, son distordu… Une sorte d’amalgame de la froideur mate de Laetitia Sadier (Stereolab) et de la drive rock de Kim Deal (The Breeders). "Ce nouvel album contient sa part délicate; j’ai essayé de faire quelque chose de vraiment beau et authentique. Mais je voulais également mettre de l’avant une dimension viscérale. Il y a une grande différence entre celle que j’étais début vingtaine et celle que je suis devenue cinq, six ans plus tard. J’ai voulu faire un album plus humain, inspiré par le désespoir et l’isolement ressentis dans la vie moderne, qui est si frénétique… On est tous un peu fous à divers degrés; on prend des décisions douteuses, basées sur des illusions de grandeur. Mon côté romantique se retrouve désormais non plus dans les textes, mais dans la musique", philosophe celle que l’on a aussi aperçue aux côtés de Sufjan Stevens et de Polyphonic Spree.
D’abord composé par Annie Clark en solo à l’aide du logiciel GarageBand, l’album de St. Vincent donne pourtant l’impression qu’une multitude de musiciens étaient de la partie. Après l’avoir développé en studio avec son réalisateur (John Congleton), Annie Clark a invité ses amis à venir la rejoindre. "Sur scène, nous serons cinq, incluant moi-même, et un violoniste."
À voir si vous aimez /
Stereolab, The Breeders, Julie Doiron