Poirier : Poirier a la pêche
Musique

Poirier : Poirier a la pêche

Le populaire D.J. et producteur montréalais Poirier est une des têtes d’affiche du Piknic électronik qui aura lieu ce dimanche à Trois-Rivières, dans le cadre de la 5e édition du Festival urbain.

On n’est jamais mieux servi que par soi-même, dit-on, et c’est particulièrement vrai dans le cas de Ghislain Poirier, qui mène musique, spectacles, DJ sets, tournées et promo de front, depuis plusieurs années. Oui, il a bossé dur, et sans jamais douter. Des heures non seulement à concocter ses beats, mais aussi – et surtout – à gérer ses affaires, sa "carrière". On met le mot entre guillemets car on se doute bien qu’il ne voit pas son cheminement comme une carrière. Ça fait avocat, médecin ou journaliste, mais pas D.J. et bricoleur de sons.

Cela dit, les efforts de Poirier ont porté fruit. Ses soirées Bounce le gros furent très populaires auprès des clubbeurs montréalais, la réputée étiquette Ninja Tune lui a ouvert ses portes, des artistes de tout acabit ont fait appel à ses services de remixeur, il s’est fait entendre un peu partout dans le monde à plusieurs reprises… Les résultats ne mentent pas. "J’ai commencé à faire de la musique vers 1999. Je suis venu sur le tard. J’avais 25 ans, et dans la musique électronique, 25 ans, c’est vieux", estime celui qui a fait paraître six albums complets – sans compter les EP, singles ou les collaborations – depuis son premier disque, Il n’y a pas de sud, lancé en 2001. Une bonne moyenne et une façon, peut-être inconsciente, de rattraper le temps perdu pour le bidouilleur qui travaille présentement sur son septième effort.

"Ce que je fais, c’est avec l’idée que ce soit bon à l’échelle planétaire. Je ne me compare pas avec ce qui se fait ici, mais plutôt avec ce qui se fait à l’étranger. J’essaie d’être au même niveau. Je suis stimulé par le travail de certains artistes. Je suis quelqu’un qui écoute probablement plus de musique qu’il n’en crée. D’une part parce que j’exerce également le métier de D.J., et d’autre part à la suite de mes années en tant qu’animateur à la radio. Donc, je sais exactement qui fait quoi dans le même registre que moi et c’est toujours à ces artistes-là que je me compare. Je pense que c’est important de me situer. Je suis mon premier juge mais je n’ai pas à dire aux auditeurs où je me situe ni à qui je me compare, c’est à eux de décider."

SOCA ÉLECTRO

On parle de Ghislain Poirier depuis le début de cet article, mais c’est plutôt de Poirier tout court qu’il faudrait parler. Car récemment, l’artiste a décidé de laisser tomber son prénom pour ne garder que le fruité nom de famille.

"J’enlève le Ghislain, je suis tanné. Ce n’est pas un énorme changement pour les gens qui me connaissent mais ce sera sans doute perçu différemment par ceux qui ne me connaissent pas encore, je garde juste Poirier. Y a vraiment beaucoup de raisons pour lesquelles j’ai laissé tomber mon prénom. La principale est que c’est juste plus facile à retenir. Je ne renie pas le passé, mais je suis tourné vers le futur."

Ce futur, il va être assez chargé pour l’artiste dans les prochains mois. En fait, au moment où vous lisez ces lignes, Ghislain Poirier a déjà commencé à présenter son EP Soca Sound System et quelques-uns de ses nouveaux beats à l’extérieur du Québec, sur les scènes de gros festivals comme dans des clubs sans prétention. France, Suisse, Allemagne, Angleterre, Belgique, Luxembourg, Danemark, États-Unis et bien sûr tout le Canada, a mari usque ad mare… Il va voyager, le Poirier. "C’est presque un world tour, avec différentes propositions. Des fois je suis en D.J. seul ou avec un M.C., d’autres fois en live", lance le prolifique concocteur de rythmes, qui prépare déjà une suite à Soca Sound System.

"Soca est la première brique, explique Ghislain Poirier. Le EP Run the Riddim, qui sortira en septembre 2009, sera la deuxième. Ce sera dancehall et beaucoup plus lent, car c’est difficile d’être aussi rapide que sur Soca. Il y aura quatre chanteurs pour ce EP. Là j’ai Buro Banton, Face-T et Zulu d’enregistrés et j’attends un vocal de YT d’Angleterre. Le troisième EP, Low Ceiling, sera instrumental et devrait paraître fin 2009, début 2010. Je suis en train de travailler sur un morceau que j’aurais du mal à définir. C’est très dansant, avec un feeling caribéen, un petit peu électro et, bizarrement, foire latino. Donc, ce sont ces trois EP qu’on va retrouver sur mon futur album, avec un CD extra qui inclura de nouvelles versions vocales sur les mêmes riddims. Par exemple, j’ai déjà enregistré Mikey Dangerous pour ça. Puis il y aura des remix et les versions instrumentales ou a cappella. L’album va s’intituler Running High et devrait voir le jour en mars 2010. Alors si je devais vraiment définir le projet d’album en deux mots, ce serait Caraïbes/électro. C’est vraiment ça la fusion sur le disque. Ce sera assez différent de No Ground Under, mais en continuité tout de même car déjà sur ce disque, on voyait venir ce que je fais aujourd’hui. Des chansons comme Go Ballistic, Blazing et Diaspora laissent entrevoir vers quoi je me suis ensuite dirigé. C’est comme ça d’un disque à l’autre avec moi. Cela dit, j’aurais pu aussi prendre une tangente dubstep parce que j’avais déjà deux ou trois tounes de ce genre sur No Ground Under."

UNIQUE

Depuis quelques années, on assiste à l’émergence d’une nouvelle musique du monde, une musique métissée et moderne. On parle du baile funk, du balkan beat, du kuduro, de la nu cumbia (ou électro cumbia), mais quel terme pourrait-on donner à cet hallucinant mélange de soca, de gros beats et de basse pesante qu’on peut entendre sur Soca Sound System? Ghislain Poirier se sent-il faire partie de ce courant? "J’en fais partie malgré moi. Il est arrivé que mon nom soit plusieurs fois mentionné dans des articles sur ces croisements musicaux. Et ça concerne autant ma propre musique que mes sets de D.J. où je peux souvent sauter d’un style à l’autre. C’est naturel pour moi. C’est mon intérêt en tant qu’auditeur qui est transposé dans la musique. Des fois, j’ai l’impression que je pousse certaines idées plus loin que plusieurs n’oseraient le faire, et quand je dis ça, je pense au EP Soca Sound System que je viens de sortir. Y a pas grand-chose qui ressemble à ça. Ça fait deux ans que je parle ouvertement de l’idée de faire un disque d’électro soca badass comme celui-ci. Pourquoi parler d’une bonne idée si tu ne veux pas qu’on te la pique? Tout simplement parce que j’étais certain que personne n’était game de le faire!

"Puis t’as des gens comme Kode9 et South Rawkus qui te disent qu’ils trouvent ça cool, que j’ai poussé là où personne ne poussait. Ou encore The Bug qui te raconte qu’il était à son deuxième rappel en DJ set et qu’il ne savait plus où aller quand tout à coup, il s’est souvenu d’un remix de soca que j’avais fait, qu’il l’a fait jouer et que les gens sont devenus fous: c’est flatteur", s’enorgueillit celui qui a remixé des artistes aussi différents que Lady Sovereign, The Editors, We Are Wolves, Pole, Pierre Lapointe, Champion, Yoav, Thunderheist ou Les Georges Leningrad. "Je vais peut-être dire quelque chose de choquant mais la chanson n’a pas besoin d’être toujours bonne pour que je la remixe. C’est que des fois, on peut voir du potentiel dans une chanson qui ne correspond pas à nos goûts. L’important, c’est que je sois content du résultat."

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The Bug, Stephen "Di Genius" McGregor, Diplo