Vincent Vallières : La sérénité de l'engagement
Musique

Vincent Vallières : La sérénité de l’engagement

Sur son cinquième album, Vincent Vallières laisse ses habituels personnages de côté pour livrer un message d’espoir plus personnel. Rencontre avec une anti-star.

C’est la clé du succès de Vincent Vallières. Sans jouer la carte du musicien avant-gardiste cherchant à repousser les limites du folk-rock – "là-dessus, j’ai fait mon deuil, je m’en crisse de ne pas être à la mode, je veux juste écrire les meilleures chansons possible" -, le compositeur tricote une oeuvre sereine à partir de son quotidien.

"Je ne suis pas là pour vendre une idylle. Je pense simplement que j’arrive à m’épanouir dans une vie de famille tout en ayant eu comme modèle des gars comme Cash, Dylan ou Kerouac, des gens profondément libres et souvent sans attaches. Ça revient au concept de l’engagement. Peu importe ton chemin, peu importe dans quoi tu t’engages, si tu fais les choses comme tu le sens, tu passeras toujours au travers des irritants. Mais je ne dis pas que c’est simple. C’est plus le fun de penser à quelque chose que de te botter le derrière pour le réaliser."

Cet optimisme teinte de nombreux textes de son nouvel album, Le monde tourne fort. La pièce-titre, En attendant le soleil, L’Amour au coin de la rue, Sortir du bois et L’École est finie mettent tous en scène un protagoniste aux prises avec sa part de doutes et d’adversités. Toujours, il encaisse les coups et trouve un espoir auquel s’accrocher. Ça peut être l’amour, l’attrait de la route, une simple guitare ou des projets d’avenir. "Se projeter dans le futur équivaut à un baume sur les plaies de la vie. J’ai des amis qui me parlent de leur projet de vacances. Je connais des couples qui après seulement six mois de fréquentation s’amusent à chercher le nom de leur premier enfant, même s’il n’y a toujours pas eu conception. C’est une façon de s’évader. On vit une crise économique; le milieu du disque se demande comment vendre la musique; j’ai des amis qui ont perdu leur job… Je ne voulais pas ne chanter que la peine. Je voulais aussi chanter l’espoir."

LA TOUCHE LANGEVIN

Ainsi, même si le quotidien de Vincent Vallières peut paraître banal (une vie rangée loin de la dope, du star-system ou des photos XXX sur Internet), il est livré avec une telle sincérité qu’il devient touchant. Pas étonnant que l’artiste ait vendu plus de 25 000 exemplaires de Chacun dans son espace et plus de 33 000 du Repère tranquille. Que l’on soit Gaspésien, Trifluvien ou Montréalais, on peut se reconnaître dans son oeuvre. À la limite, son folk-rock possède la même force rassembleuse que celui de plusieurs groupes pop régionaux, mais il se décline avec plus de raffinement, d’originalité.

Vincent Vallières ne sera peut-être jamais dans l’oeil de la hype, mais ça ne l’empêche pas d’obtenir tout le succès critique mérité. Après trois albums réalisés par Éric Goulet, il a cette fois fait appel à Olivier Langevin pour l’aiguiller sur Le monde tourne fort. Une manière de changer l’ambiance en studio. "Généralement, les gens le voient comme un guitare héros, mais je pense qu’il est beaucoup plus que ça. Je le perçois comme un pur-sang qui ne s’est jamais embourgeoisé avec le temps. C’est un travaillant, quelqu’un de très honnête. Il n’y a pas de complaisance avec lui. Quand il n’aime pas, tu le sais. Et je me méfie du grand luxe des studios d’enregistrement. Langevin partage cette philosophie de travail."

Subtile et en accord avec l’univers de Vallières, la réalisation d’Olivier Langevin joue de finesse. Le guitariste n’y multiplie pas les solos abrasifs. Ses arrangements de six cordes servent plutôt l’atmosphère feutrée des compositions. Il leur donne juste assez d’énergie pour les pimenter avec classe (Entre partout et nulle part, Le temps est long), ou juste assez de texture pour approfondir leur caractère introspectif (Table tournante, L’Espace qui reste et la superbe On va s’aimer encore). "J’avais envie d’un disque qui garderait l’oeil du tigre. Un album qui a soif, qui a faim. Mon but n’était pas de faire un virage musical à 180 degrés. C’était juste de trouver une autre façon de driver mes chansons et mes musiciens (le guitariste André Papanicolaou, le bassiste Michel-Olivier Gasse et le batteur Simon Blouin)."

"La présence d’Olivier m’a aussi réconforté lors de questionnements. Par exemple, sur Sortir du bois, je chante que "je crois très fort en moi". C’est weird, ça. T’entends pas ça souvent dans une chanson, mais c’est ce que j’avais en moi. L’approbation de Langevin me rassurait. Même chose avec le concept de l’amour. Je trouvais ça tellement cliché que le mot ne figurait même pas sur mon premier disque. Or, je l’ai abondamment utilisé cette fois. Je crois que pour grandir comme auteur, je dois mettre un peu de moi dans mes textes. Et ce n’est pas évident. C’est facile de tomber dans le journal intime cheap, mais pour que les tounes m’appartiennent, je dois les investir."

Voilà pourquoi on en redemande, parce que dans un monde de parure, Vincent Vallières sonne vrai.

Vincent Vallières
Le monde tourne fort
(Spectra/Select)
En magasin le 1er septembre

À écouter si vous aimer /
Michel Rivard, Bob Dylan, Mara Tremblay