Regina Spektor : Ceci n'est pas un piano
Musique

Regina Spektor : Ceci n’est pas un piano

Regina Spektor vient défendre un album où, tour à tour, elle imite le dauphin, transforme un immeuble en instrument de musique, rigole avec Dieu et se peint les lèvres en bleu pour réciter ses poèmes surréalistes.

Plusieurs d’entre nous ont découvert la New-Yorkaise d’origine russe à travers Soviet Kitsch, il y a cinq ans. C’était son troisième album, le premier lancé avec l’appui d’une étiquette importante, Sire. Avec Far, Regina Spektor propose son disque le plus accessible, et l’un de ses plus "produits". "Mon rapport au processus de réalisation a évolué, confie-t-elle de sa voix enfantine. Quand j’ai commencé, j’étais beaucoup plus puriste. Je croyais que la vraie musique devait être enregistrée en une prise, j’avais une approche presque jazz. Puis, en évoluant dans ce milieu, j’ai découvert que, pour bien des groupes que j’aime (Radiohead, The Beatles), ce n’était pas le cas. Aujourd’hui, je ne me refuse plus grand-chose." La preuve: quatre réalisateurs-vedettes, ayant travaillé avec de grosses pointures comme Eminem, R.E.M., The Strokes, Paul McCartney ou Tom Petty, ont accepté l’invitation de Regina.

À des lieues des accointances anti-folk de la chanteuse-pianiste, Far s’ouvre sur The Calculation, une pièce évoquant la pop naïve de Yael Naim. Le reste de l’album se décline cependant dans un tout autre esprit. Les chansons narratives de Regina Spektor sont de petites histoires surréalistes où elle multiplie les points de vue inattendus. Dans Laughing With, par exemple, l’artiste de 29 ans énumère une série de situations dans lesquelles on n’a pas envie de rire de Dieu: quand le médecin nous téléphone après un examen de routine, quand il se fait tard et que notre kid ne rentre pas, etc. "Il y a des moments où la foi prend les croyants en otages; tu sais, quand, à la télé, un évangéliste prétend que pour 14,99 $, on t’envoie tel passage de la Bible et que tes enfants seront par le fait même protégés… Envoyez-nous du fric et on veillera sur vous! J’ai aussi remarqué que, selon ce qui arrive aux gens, leur idée sur Dieu change."

Le vidéoclip qui accompagne cette chanson s’inspire du travail d’artistes qui ont eux aussi joué sur les perspectives et jonglé avec des images surréalistes: Magritte, Dali, Escher et Luis Buñuel. Comme sur la couverture de son album, Regina y joue d’un joli piano orné de nuages. "Je me trouve très chanceuse d’avoir choisi cet instrument polyvalent qui peut devenir mélodique, percussif, abrupt ou langoureux… Une belle machine complexe."

D’ailleurs, puisqu’il est question de Machine, la chanson la plus audacieuse de l’album porte ce titre et Regina y joue d’un… édifice. "C’est une installation signée David Byrne (Talking Heads). Dans un vieux building new-yorkais désaffecté, il a créé un instrument en attachant des fils à un petit orgue dont les touches sont reliées à des mécanismes fixés à la structure du bâtiment. Je n’en croyais pas mes oreilles quand j’ai entendu ça; c’était exactement le genre de sonorités que j’avais en tête pour Machine. David Byrne a gentiment accepté que j’en joue sur l’album. Très chic de sa part."

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