Les frères Ferré : Hier, comme si c'était demain
Musique

Les frères Ferré : Hier, comme si c’était demain

Les frères Ferré ouvrent le Festival de jazz de Québec en compagnie de leur collègue Alain Jean-Marie et de leur ami québécois Michel Donato. Une rencontre au présent.

Être le fils du guitariste Jean "Matelot" Ferré, c’est se porter garant d’un héritage dont la source n’est nul autre que Django Reinhardt. Ce legs manouche, les frères Ferré s’en sont acquittés avec succès. Les guitaristes Boulou et Elios Ferré sont à l’avant-scène du jazz et renouvellent avec brio le genre selon les rencontres. Le contrebassiste Michel Donato est même tombé sur leur chemin et cultive depuis plusieurs années une amitié avec ceux qu’il appelle ses "amis européens". Mais le temps qui passe n’a pas trop d’importance pour Elios Ferré. "Vous savez… Sans tricher ni faire de pirouettes, je dirais que lorsqu’on aime, on ne compte pas."

Avec un nouveau disque intitulé Brothers to Brothers, qui associe les Ferré aux frères Stéphane et Lionel Belmondo, respectivement trompettiste et saxophoniste, nous pourrions croire que le programme de leur concert à Québec touchera à cette dernière production encore toute fraîche. À tort, car l’essence même de leur profession leur prodigue une tout autre logique. "On va jouer la musique du moment, indique le guitariste. Nous, on ne fait pas de programme. Avec Michel et Alain (Jean-Marie, piano), on va se faire des propositions pour que le quatuor soit parfait. Et surtout, il faut se régaler. C’est le moment présent qui compte et le respect de nos aînés. C’est-à-dire nos papas du jazz: Dizzie Gillespie, Miles Davis, Lee Konitz, Django… Ils sont tous intemporels."

Ce respect des aînés, Elios le cultive avec son frère depuis le début, avec sa personnalité qui s’est métamorphosée et qui a toujours repoussé la simple imitation. "Je ne renie pas mes racines, précise-t-il. Notre père, il faut l’admettre, il nous a donné les outils. J’ai eu la chance aussi de travailler avec lui en sortant du Conservatoire du Louvre. Il nous a mis en contact avec la musique de Charlie Parker et celle de Django Reinhardt. Mais, très tôt, il nous a fait comprendre qu’il n’y avait pas que Django: "Attention les enfants, c’est un maître, mais Charlie Christian en est un aussi." Entre mon père, mon frère et moi, il n’y a jamais eu de conflit de générations."

Principal compositeur sur ce dernier disque réalisé avec son indissociable frère, Elios Ferré y signe Suite parisienne, une composition en trois mouvements qui s’accompagne d’un quatuor à cordes. Une pièce qui témoigne de cette faculté propre aux Européens qui repoussent la frontière entre le jazz et le classique. "On ne pense pas la musique au singulier, on la pense au pluriel, illustre-t-il. Plusieurs musiciens cultivent cette idée de jouer avec un quatuor à cordes. Pour moi, c’était de savoir si j’allais y arriver. Lorsque j’écris, je pense comme un peintre. Ce sont des couleurs et je ne force pas les notes. Je pense à des sensations et même à des odeurs. Il y a des odeurs dans la musique. Et surtout, il n’y a pas d’âge en musique."

À écouter si vous aimez /
Django Reinhardt, Charlie Christian, Maurice Ravel