McCoy Tyner : Si le jazz m'était conté
Musique

McCoy Tyner : Si le jazz m’était conté

Le pianiste McCoy Tyner clôture le Festival de jazz de Québec au Palais Montcalm. Rencontre avec une légende vivante.

Lorsqu’on a fait partie du quartette de John Coltrane, celui-là même qui a signé le disque A Love Supreme, il est difficile de ne pas être marqué à vie par une telle affiliation. Le pianiste McCoy Tyner en est bien conscient. Par contre, il ne trouve absolument rien de négatif à dire sur cette expérience unique qui a pris fin, dans son cas, en 1966. Un an après, le légendaire saxophoniste décédait du cancer et le pianiste, lui, poursuivait son chemin, entamé en 1962 sur l’étiquette Impulse, à titre de compositeur et d’interprète.

"Nous avions un producteur très talentueux avec nous, Bob Thiele, qui a joué un rôle très important dans nos carrières respectives, se rappelle McCoy Tyner. Lors d’une session d’enregistrement chez Impulse, Bob m’a pris à l’écart et m’a dit: "Pourquoi ne ferais-tu pas quelques sessions pour un disque, avec tes propres compositions?" J’en avais plusieurs, et John, lui aussi, trouvait que c’était une bonne idée. John, c’était mon frère cosmique! Un grand frère! C’était nouveau pour moi d’avoir l’opinion de quelqu’un d’autre, comme Bob Thiele. C’est grâce à lui que j’ai pu enregistrer Inception. Par la suite, je suis entré en contact avec Blue Note, mais c’est avec Bob que tout a commencé. Plus tard, j’ai finalement fondé ma propre compagnie et suis devenu libre de tout engagement à long terme. Ça m’a permis d’explorer et de varier mon travail."

Tout paraît simple avec le pianiste maintenant âgé de 71 ans. Son parcours solo, à la tête de son trio, puis avec des formations plus élaborées, l’a amené à prendre ses distances par rapport à l’univers free jazz de Coltrane pour ensuite développer son propre langage contemporain. Une production volumineuse d’enregistrements – plus de 70 -, sans compter les concerts qui se sont multipliés.

Lorsqu’on compare le rythme de travail de John Coltrane avec celui de McCoy Tyner, il n’y a pas beaucoup de différence. Un syndrome contagieux qui nous amène à croire que le pianiste ne connaît pas le surmenage. "Avec Coltrane, c’était comme ça: soit tu étais dans son groupe, soit tu ne l’étais pas. Une expérience unique. Beaucoup de travail, c’est vrai, mais il fallait vivre ça. Par la suite, on prend le contrôle de sa propre carrière. Je ne sais pas si c’était "trop" de travail. Tu fais ce que tu es supposé faire. J’ai toujours considéré que nous étions très chanceux, bénis en quelque sorte, de pouvoir jouer de la musique. Le talent, c’est aussi quelque chose de spirituel. On ne sait pas toujours pourquoi on prend telle ou telle direction. On doit le faire. Alors, on le fait avec passion."

Avec trois albums à son actif ces trois dernières années, dont le surprenant Guitars, la légende ne chôme pas, mais avoue tout de même s’être adaptée. "Les gens m’appellent encore très souvent: "Tu veux venir ici? Tu veux faire cela avec nous?" OK, mais deux semaines à la fois; les deux autres elles sont pour moi!" conclut-il en riant.

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