Micachu : Petit bijou

Artiste complète et érudite, la Londonienne joue de la musique comme on parle une langue maternelle. Jewellery, un album audacieux et biscornu, marque l’arrivée d’une artiste d’exception.

Fille de musiciens, Mica Levi de son vrai nom a commencé à composer à l’âge où d’autres s’amusent avec une poupée, avant de recevoir une bourse pour aller étudier au Guildhall School of Music and Drama. "Vers 14-15 ans, je me suis rebellée contre la dimension compétitive de la formation classique et contre le fait qu’on encourage les élèves à devenir interprètes plutôt que compositeurs. Les jeunes ne comprennent rien à ce qu’ils jouent… À un moment, j’ai voulu utiliser mes acquis pour créer quelque chose. La musique avait toujours occupé une grande place et exercé une influence majeure sur ma vie, alors ce fut relativement facile pour moi de me situer dans tout ça."

La demoiselle a un parcours impressionnant: en plus de donner dans la production d’artistes hip-hop de la scène émergente (dont la plus connue est Speech Debelle, lauréate du Mercury Prize 2009), elle a aussi attiré l’attention de l’Orchestre philarmonique de Londres, qui lui a commandé une pièce l’an dernier. "J’étais terrorisée! admet-elle. Il y a là quelque chose d’addictif, quand on donne des shows soir après soir… Écrire pour un orchestre représente un tout autre genre de défi."

Celle qui a fait se pâmer la critique en intégrant habilement le résultat de ses explorations et des éléments de grime, de pop turbulente et de bruitisme lo-fi à une base rock fébrile et d’apparence chaotique surprend tout autant par l’usage qu’elle fait de l’aspirateur sur Turn Me Well que par sa propension à trafiquer les instruments. "Je m’inspire de l’inventeur d’instruments américain Harry Partch et de sa vision extrême de la musique. Quand tu transformes et adaptes un instrument ou que tu tentes d’en créer un nouveau, ça t’oblige à avoir une approche neuve et à trouver une façon d’en faire un usage intéressant. Tu cesses d’être inhibé, tout devient permis et ça, c’est très excitant. Parfois, un tout petit ajustement entraîne une grande différence dans le son." Ne manquez pas de jeter un coup d’oeil à la guitare de Mica Levi, la bien nommée "chu", lors de son spectacle au Pop.

De passage au Il Motore le 15 juillet dernier, Micachu donnait l’impression d’avoir 15 ans tout au plus. Un petit brin de fille qui pourrait être la soeurette de Xavier Dolan avec sa frange frisottée. Une chimie évidente la lie à ses deux musiciens (Marc Pell et Raisa Khan). "Ils ont aussi une formation classique; nous nous sommes connus au collège. Quand j’ai commencé à travailler sur l’album, j’étais seule. Je me considère chanceuse de les avoir trouvés et j’ai l’intention de leur laisser prendre plus de place parce que j’ai confiance en eux."

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