Chloé Sainte-Marie : Pour la suite du monde
Musique

Chloé Sainte-Marie : Pour la suite du monde

En plus de faire la promotion de son nouvel album où elle chante en innu, Chloé Sainte-Marie prépare présentement un concert qu’elle donnera avec l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières dans le cadre du Festival international de la poésie.

L’interprète nous donne rendez-vous à son pied-à-terre montréalais. Les murs du petit appartement sont tapissés de photos, d’affiches, de dessins essentiellement faits par Gilles Carle où elle est à l’honneur, mais qui sont là comme un hommage à lui, son cinéaste de conjoint. Si bien qu’on a l’impression que plusieurs Chloé, de différentes époques, nous regardent.

On ne peut s’empêcher d’évoquer Gaston Miron, qu’elle chante depuis longtemps, et dont plusieurs "chansons" ont été reprises par la bande de Douze Hommes rapaillés: "C’est moi qui les ai créées. Je n’ai pas entendu le disque, car j’étais partie en tournée. J’ai seulement entendu une chanson par Yann Perreau à la radio. La poésie doit être chantée." Puis, avec un soupçon de déception dans la voix: "Le fait qu’ils aient choisi les mêmes que j’avais déjà chantées… Enfin… L’idée, ça aurait pu être de faire connaître d’autres poèmes…" Pour la petite histoire, c’est Chloé qui choisit les poèmes de Miron, qu’elle apporte à Gilles Bélanger pour qu’il les mette en musique.

PHILIPPE MCKENZIE FAIT SON ENTRÉE

On pourrait croire que Chloé, après trois albums avec du Miron, a profité du succès de Douze Hommes rapaillés pour prendre une autre direction. Elle affirme le contraire: "Je voulais chanter Philippe McKenzie depuis 1991, depuis La Postière, dont il a fait la musique. Sur Je marche à toi (2002), j’ai interprété une de ses chansons, celle de 10 minutes. L’idée de faire tout un album consacré à ses textes était déjà là. McKenzie est un grand poète au même titre que Miron."

Si le discours de la chanteuse s’enflamme, le ton demeure assez feutré. Comme une confidence. Le silence, en cette fin d’après-midi, en est à peine troublé. "J’ai découvert McKenzie dans un film de Jacques Leduc. Philippe y chante. Il est dans un wagon, seul avec sa guitare. Ça a été un choc! Quel mélodiste! Puis, à Radio-Canada, il y avait un 33 tours avec ses chansons. J’étais subjuguée par le talent de cet auteur-compositeur-interprète. Presque toutes les chansons de mon nouvel album avaient déjà été chantées par Philippe. Il m’a permis de les reprendre. Je voulais depuis longtemps faire ce disque, mais j’attendais que tout concoure à ce que ça puisse se faire."

Épaulée par Joséphine Bacon, dont elle interprète deux textes sur Nitshisseniten e Tshissenitamin (Je sais que tu sais), Chloé s’est mise à apprendre la langue innue: "Pour la parler vraiment, ça prendrait environ cinq ans. J’en suis loin. J’ai travaillé six heures par jour, pendant presque un an. Chanter McKenzie, c’est le désir d’abord de connaître ce peuple nomade. Gilles (Carle) est métis, il a du sang algonquin. Son oeuvre est teintée par le monde indien. Sauf que moi, mon éducation ne m’avait pas appris qui étaient les Indiens au Québec. Je ne savais pas que le plus gros génocide de l’Histoire, ce sont les Indiens d’Amérique."

Il y a un peu tout ça dans le nouveau Chloé Sainte-Marie. La déchirure, l’exil, la perte des repères. L’incommunicabilité entre les peuples. Elle les chante avec ferveur et pudeur.

HOMME À TOUT FAIRE

Si les poètes varient d’un disque à l’autre, la chanteuse confie à nouveau l’habillage musical à Réjean Bouchard. Celui-ci réalise, arrange, en plus de tenir les guitares, la basse, les claviers et les percussions. N’avait-elle pas envie d’aller voir ailleurs? "Impossible! Je suis très fidèle. Réjean a beaucoup travaillé avec Florent Vollant, il est allé souvent dans les réserves, alors il m’apporte le son indien. Puis Réjean m’a révélée à moi-même, au son de ma voix. Un disque, c’est quatre mois de studio. On commence par chanter guitare-voix. On travaille toutes les chansons en même temps, et non pas une par une. J’aime qu’il prenne le temps de jouer en même temps que moi, au piano ou à la guitare. Si un de nous se trompe, on recommence. Et quand je n’aime pas un arrangement, ça ne passe pas; Réjean reconnaît mon droit de veto."

Puis arrive le temps de tout lâcher, de laisser les chansons se rendre parmi les gens. Dans sa cuisine, Chloé pense déjà à 2010, une tournée qui la mènera sur les routes du Québec et d’Europe. Pour la suite du monde poétique.

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CHLOÉ SYMPHONIQUE

Le 11 octobre, le public trifluvien aura droit à un événement unique: le croisement des chemins de Chloé Sainte-Marie et de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières. Le temps d’un spectacle, leurs univers se mélangeront. "Pour les FrancoFolies de Montréal, j’avais eu un quatuor à cordes. Pour ce spectacle de Trois-Rivières, ce n’est pas mon idée, mais celle de Gaston Bellemare (fondateur du Festival international de la poésie). Jamais je n’aurais osé proposer de chanter avec un orchestre symphonique! Réjean Bouchard sera là, c’est lui qui fait les arrangements. Pour les chansons, ce sera le répertoire de la tournée Parle-moi. On les a choisies en pensant à l’orchestre: Toi la mordore; Parasitaire; probablement Mon bel amour; Ce monde sans issue…"

Mais elle prévient que sa sobriété n’en sera pas bafouée pour autant: "Même s’il y a un orchestre symphonique, ça ne veut pas dire que ça sera dans le plafond! C’est en subtilité, en nuances. On va faire Chamaille chamaille; avec les violons, c’est magnifique. Ça m’angoisse, mais pas plus que le lancement du nouvel album… J’aime travailler. J’aime apprendre. Moi, je suis une petite chanteuse, sans le coffre d’une chanteuse d’opéra, je me suis demandé si c’était correct de chanter avec un orchestre. J’ai rencontré Jacques Lacombe, le chef de l’OSTR, il est extraordinaire. Je me suis dit que je serais capable."