Os Mutantes : Monstres sacrés
Musique

Os Mutantes : Monstres sacrés

La légendaire formation brésilienne Os Mutantes met les pieds à Montréal pour la première fois et lance un album de nouveau matériel… après 35 ans d’absence.

Une nouvelle génération s’apprête à goûter à la médecine des mutants. Celle-ci est remontée jusqu’à de nouvelles oreilles à travers les hommages sentis que lui ont adressés plusieurs groupes et artistes éminemment respectés: Kurt Cobain, Beck et sa chanson Tropicalia sur l’album Mutations, David Byrne, qui a fait paraître une compilation du groupe sous son étiquette Luaka Bop, les Flaming Lips, Of Montreal et, plus près de chez nous, Pierre Lapointe évidemment.

En composant le numéro de Sergio Dias, un des deux seuls membres originaux avec le batteur Dinho Leme, on a très hâte de voir à quelle sorte de bibitte on aura affaire. Juste à sa façon de dire "bonjour", on sait qu’on est en présence d’une légende sympathique: "Pourriez-vous rappeler dans 15 minutes car je suis en train de déjeuner et mes céréales vont devenir toutes molles!" implore-t-il avec la voix d’un gamin.

Os Mutantes a vu le jour dans un contexte politique et social oppressant. Formé en 1966 à São Paulo alors que le pays était sous dictature militaire à la suite du coup d’État de 1964, le groupe, ouvert aux courants rock, blues, jazz, prog et psychédélique, est devenu un des plus farouches opposants au régime. Voilà pourquoi on lui attribue volontiers le statut de figure de proue du tropicalisme, grand mouvement artistique contestataire. "Quand on nous censurait dans les années 60, nous ne changions jamais nos textes pour autant; nous mutilions les chansons, en mettant des sons étranges sur les mots censurés. Mais pas sur scène, bien entendu, histoire de défier les autorités."

Faire de la musique sans la dimension révolutionnaire, est-ce moins excitant? "Pas du tout. Je pense qu’on est au coeur d’une immense révolution en ce moment, et à un niveau beaucoup plus vaste. Je parle de ce qui se passe sur Internet. Je dirais que c’est le plus gros parti politique socialiste. Il est totalement anarchique et c’est fantastique! Il y a là tout ce à quoi nous avons toujours rêvé: c’est un pays sans frontières ni langage. Au Brésil, Dieu merci, nous n’avons plus de dictateur. Mais à l’époque, identifier l’ennemi était beaucoup plus facile. L’héritage du coup d’État est cette corruption aux ramifications infinies… C’est très pernicieux. Il en est question dans notre chanson Samba Do Fidel", écrite en collaboration avec Tom Zé, réputé parolier également associé au tropicalisme qui cosigne une bonne partie des textes, pour la plupart en portugais (traduction incluse).

Il y a bien eu un spectacle au Barbican Theatre en 2006 et le live qui s’ensuivit, mais Haih or Amortecedor, ce nouvel album kaléidoscopique, et la tournée qui mène Os Mutantes à Montréal, les doit-on aux fréquentes démonstrations de respect et d’enthousiasme qui venaient régulièrement de part et d’autre? "Ce n’était pas du tout planifié! Quand le Barbican a rendu hommage au tropicalisme, quelqu’un a dit que ça n’avait pas de sens sans nous. L’organisateur du show aurait répondu: "Oui mais ils n’existent plus depuis 40 ans!" C’est sorti tout croche dans les journaux et on a commencé à recevoir des messages et des courriels à propos du fait qu’on allait faire un spectacle, et je répondais: "Ah oui? Où ça?" (rires) On l’a même entendu à la radio alors qu’il n’en avait pas été question encore entre nous. Alors Dinho, qui ne jouait plus depuis 25 ans, a proposé qu’on s’y remette et ça a été l’étincelle. Vous n’avez pas idée combien on s’amuse!"

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