Yo La Tengo : Noces d’argent
Yo La Tengo célèbre ses 25 ans d’existence! Coiffé de la couronne de vénérables indie rockers, le trio américain présente ses chansons populaires à des générations croisées de mélomanes en mal de musiques décomplexées.
Pour un ancien journaliste musique, on ne peut pas dire qu’Ira Kaplan (guitare, voix) semble apprécier l’exercice de l’entrevue au plus haut degré. "Faut dire que j’étais le cas classique du musicien frustré qui se cherche un band… Je tenais certains critiques rock en haute estime, mais au fond, ce n’était pas ce que je voulais faire. J’aimais être proche de la scène musicale et avoir l’occasion d’écouter beaucoup de musique et de voir des shows, mais pas l’acte d’écrire. Alors quand Georgia (Hubley) et moi avons été en mesure de faire le saut…"
C’était il y a 25 ans. Même si les rockeurs posés de YLT sont des vétérans de la scène indé, Ira Kaplan se refuse à tout bilan: "Cela demande une vue d’ensemble que nous n’avons pas et que nous ne cherchons pas à développer. Ce n’est pas utile pour nous car nous essayons de faire les choses en suivant nos instincts. Je ne veux pas être conscient de l’évolution de YLT, et je revendique le droit de prendre mes décisions sur des coups de tête. Je suppose qu’on fait de la musique pour les mêmes raisons qu’à nos débuts puisque, en dehors des tournées et de la production d’albums, on continue de jouer avec des petits groupes et de faire des shows très low profile, pour le plaisir."
Le trio originaire du New Jersey lançait il y a quelques semaines son douzième album, Popular Songs. Un titre surprenant, orné d’une oeuvre de l’artiste visuel Dario Robleto, soit une vieille cassette rouillée qui semble avoir été enterrée durant quelques décennies… "Au départ, nous ne cherchions pas une image explicitement musicale, mais cette cassette convenait à notre titre. On aime la façon qu’a cet artiste de se servir d’éléments et de codes associés à la musique pour en détourner le sens premier." Quand Yo La Tengo choisit d’utiliser l’expression "chansons populaires" pour un album dont la deuxième partie se compose de trois longs jams mantriques d’une dizaine de minutes chacun, ce n’est évidemment pas comme lorsque Britney Spears ou Lady Gaga s’approprient ladite formulation… Qu’est-ce qu’une chanson populaire pour Ira Kaplan? "J’aime l’expression; il y a là quelque chose de dépassé et un peu vieux jeu. C’est une expression que je n’utilise d’ailleurs jamais dans la vie de tous les jours. Le genre de tournure que tu lis à l’arrière d’un vieux disque de Capitol Records."
Le tour de force de ce groupe au registre contrasté qui conjugue pop et sophistication est d’avoir toujours su rester hors de sa zone de confort, et ce, en dépit des mutations profondes qu’a dû encaisser l’industrie de la musique. "Quand on a l’impression qu’on va refaire quelque chose, on y pense à deux fois et on se demande si on fait ça parce qu’on est en manque d’inspiration ou trop paresseux pour procéder autrement. C’est un défi, on aime travailler ainsi. On est toujours prêts à explorer de nouvelles avenues. On ne s’arrête pas tant que nos chansons ne représentent pas, chacune, une nouvelle direction pour le band."
À voir si vous aimez /
Sonic Youth, Stereolab, Tortoise