Jérôme Minière : Je t'aime, moi non plus
Musique

Jérôme Minière : Je t’aime, moi non plus

Jérôme Minière nous présente Autoplayback dans un contexte de prédilection. Un spectacle multimédia au caractère poétique qui fait réfléchir.

Vous avez peut-être déjà eu un aperçu du spectacle Autoplayback de Jérôme Minière. C’était au printemps 2008 lors du Radiothon de CKRL au Cercle. Une soirée laborieuse pour l’artiste, qui se retrouvait plongé dans un contexte mal adapté à ce projet artistique raffiné qui intègre le multimédia à un tour de chant impressionniste. "Le spectacle était encore au stade embryonnaire à ce moment-là, se rappelle-t-il les yeux au ciel. Ça avait été une catastrophe, une sacrée leçon. Une sacrée claque aussi!"

Un souvenir qu’il se remémore en riant et qui lui a même servi par la suite. "Cette soirée-là, j’ai constaté les limites de ce spectacle. Il faut une salle où les gens peuvent être assis et confortables, disposés à l’écoute et concentrés. Idéalement, nous devons avoir le temps de faire une installation adéquate pour apprivoiser la salle et tout doit être réglé dans les moindres détails. À Québec, lors du Radiothon, avoir su que j’allais être avec des groupes rock, je serais venu avec mon spectacle guitare-voix. Sérieusement, c’est ma pire soirée à vie! Des fois, tu as une corde de guitare qui casse, ou bien c’est ton ordinateur portable qui fait des siennes, ou encore c’est la sono qui flanche… Cette soirée-là, tout est arrivé en même temps! Au point où j’en ai ri tellement c’était absurde."

Cette expérience maintenant derrière lui, Minière a eu tout le temps nécessaire pour apprivoiser le tout, et même pour aller rejoindre son ami Dominique A en France pour une performance à La Ferme du Buisson, un centre artistique multidisciplinaire de prestige. L’oeuvre de Minière a toujours été pourvue d’une sensibilité particulière, où la relation qu’il cultive avec la technologie devient paradoxale. Il l’aime, mais il voudrait aussi la rendre plus humaine. Pensé alors qu’il planchait sur le répertoire d’Herri Kopter en 2006, Autoplayback affiche cette dualité.

"Les outils numériques ont pris une place énorme dans la vie de tous les jours, constate-t-il. Parfois, ils sont même magiques. Aujourd’hui, je considère qu’ils deviennent un sujet à part entière. On n’en est pas conscients, mais depuis 10 ans, c’est comme si on avait changé de dimension. Je ne pense pas qu’on réalise à quel point nous-mêmes, on a changé par rapport à tout ça. Ce n’est pas bien ou mal, mais c’est très puissant. Ces outils ont la force de nous conditionner."

Et pourtant, on peut difficilement imaginer cet artisan de la chanson, jadis étudiant en cinéma, se priver de tous ces atouts technologiques qui bercent son oeuvre avec subtilité. "Comme artisan, je constate que notre métier est menacé. La musique, elle était là avant et elle sera là après. Aujourd’hui, rien n’est plus facile que de faire un disque. Tu as un ordinateur alors tu fais un disque. C’est une bonne chose, ça démocratise le métier. Mais pour les artisans de la chanson et les auteurs, il y a des conséquences. Ça n’a plus la même valeur. Nous avons plus de pouvoir et, en même temps, nous en avons moins."

À écouter si vous aimez /
Dominique A, Albin de la Simone et Jérémie Kisling