John Keenan : Beaucoup de bruit pour rien
John Keenan dirige Aida à l’Opéra de Québec, une oeuvre monumentale qui fusionne les arts. Discussion sur la modernité et le respect de l’oeuvre.
Le monde de l’opéra est toujours en pleine ébullition. Il tente par tous les moyens de s’inscrire comme une forme d’art incontournable et de son temps. Avec les défis économiques qui se présentent à elles, les grandes maisons d’opéra prennent des risques et suggèrent des productions parfois controversées pour renouveler leur public. Prenons par exemple Tosca de Puccini, qui a été présentée il y a deux semaines au Metropolitan Opera à New York. Une compagnie que le chef d’orchestre John Keenan connaît très bien pour y avoir fait ses débuts à l’âge de… 26 ans.
Cette Tosca, produite par le metteur en scène et cinéaste suisse Luc Bondy, a littéralement été démolie par la critique et le public. Tout n’est pas permis à l’opéra, et l’opéra, lui, ne pardonne pas. "J’ai connu la même expérience au mois de février dernier, à Toronto, en dirigeant Rusalka de Dvorák, indique John Keenan. Le metteur en scène avec qui j’ai travaillé (Dmitri Bertman) a rejeté tous les fondements de l’histoire initiale. Non seulement l’auditoire, mais les chanteurs ne savaient plus quelle était l’histoire!" Un échec malheureux qui n’a pas surpris le chef d’orchestre d’expérience.
"On provoque parfois des controverses inutiles. Ils ont donné à ce metteur en scène toute la liberté qu’il désirait, carte blanche, sans même se questionner sur ses motivations, enchaîne-t-il. Il ne faut pas oublier que, sur l’affiche, il était écrit Rusalka d’Antonín Dvorák. Le public avait le droit de dénoncer le fait que l’oeuvre ne fut pas au rendez-vous. Et ce public l’a exprimé. Malheureusement, certains metteurs en scène se limiteront à présenter les fondements de leur esthétique personnelle, ce qui les distingue, au détriment de l’oeuvre elle-même. Pour ma part, je crois qu’il est primordial de respecter le travail du compositeur et de l’auteur." Il pourra nous le démontrer sous peu en compagnie du metteur en scène Brian Deedrick et des interprètes Oksana Kramaryeva (soprano et lauréate à Opéralia 2008 à Québec) et Oleg Kulko (ténor), respectivement Aida et Radamès.
Aida est une oeuvre phare dans l’oeuvre de Verdi. Au-delà de l’imposant décor dans lequel se situe l’action – celui de l’Égypte des pharaons -, le compositeur marque ici la fin d’une période (la deuxième sur trois) et mettra 15 ans avant de revenir à la création avec Otello et Falstaff, entre autres. "Après le passage de Verdi à Paris, alors qu’il y avait composé Don Carlos, il a été confronté à une nouvelle mode, celle du "grand opéra français" qui intégrait des ballets, des marches et des processions imposantes. Il a été témoin du faste de ces grandes productions présentées sur de grandes scènes. Il a pu écrire en s’inspirant de ce style, mais avec Aida, il a eu les moyens de l’illustrer. En fait, il a trouvé la solution pour rendre toutes ces disciplines artistiques cohérentes au sein d’un seul et même véhicule: l’opéra."
À écouter si vous aimez /
Don Carlos, Jérusalem et Les Vêpres siciliennes de Verdi