Joseph Milo : Musique du (nouveau) monde
Le chef d’orchestre Joseph Milo dirige l’Orchestre des musiciens du monde, un projet original et unique d’intégration artistique et sociale. Multiculturalisme 101.
La chose se passe il y a environ trois ans: Joseph Milo discute avec le portier de l’immeuble où il habite: "Je lui dis que je suis musicien, et il me dit "moi aussi, je suis violoncelliste", et qu’il faisait partie de l’Orchestre symphonique de Moscou avant d’arriver à Montréal quelques mois auparavant, mais qu’il ne trouve pas de travail en tant que musicien et doit faire autre chose…" Quelques semaines plus tard, c’est un livreur de pizza qui, apercevant le piano qui trône dans l’appartement de Joseph Milo, se met aussi à discuter musique; l’homme était auparavant violoniste au sein de l’Orchestre de l’Opéra national de Bucarest…
Lui-même un chef d’orchestre qui a quitté son Israël natal pour poursuivre des études musicales à New York, puis à Rome, avant de les compléter à Montréal, Joseph Milo comprend bien les difficultés que rencontrent les nouveaux arrivants qui voudraient bien poursuivre leur "vie d’avant", mais que la réalité pratico-pratique force à faire autre chose dans l’immédiat, une situation qui s’étire plus souvent qu’autrement. Le chef d’orchestre poursuit: "Je me suis dit qu’il devait y avoir bien d’autres musiciens dans la même situation et, avec mon épouse, on a formé le projet de les regrouper afin de leur rendre un peu de leur dignité professionnelle en leur permettant de faire ce qui les passionne, de la musique."
C’est ainsi, avec un coup de pouce du responsable des dossiers liés aux communautés culturelles à la Ville de Montréal, qu’est né l’Orchestre symphonique des musiciens du monde. "On a placé des annonces dans les centres communautaires, les écoles de musique, partout. Après des auditions, nous étions une douzaine au début de 2006. Pas exactement un orchestre symphonique, mais nous avons tout de même commencé à répéter et, petit à petit, d’autres musiciens se sont greffés à l’ensemble, et nous étions 40, puis 50, et au prochain concert, nous serons 62!"
On imagine bien qu’une telle machine requiert du financement, et que les organisateurs qui sont derrière l’orchestre (ou devant!) passent autant de temps à en rechercher qu’à répéter… Je découvre en entrevue que le chef d’orchestre, comme beaucoup de ses musiciens, doit aussi faire un autre travail pour assurer sa subsistance. Il est… dans la finance! "Ça aide un peu pour faire vivre nos rêves, explique-t-il. Le plus grand, ce serait d’organiser une tournée dans tous les pays représentés dans l’Orchestre; il y en a 18!"
Pour son concert de cette semaine, l’Orchestre se livre à une véritable expérience d’intégration musicale en invitant des ensembles de musique du monde à se joindre à lui pour une interprétation très spéciale de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorák. Le chef n’y a pas changé une note, mais il l’a adaptée pour qu’elle accueille les sonorités chinoises du violon solo de Venus Fu, celles de la musique indienne de l’ensemble Ragleela, la mise à jour des musiques traditionnelles du Moyen-Orient du groupe OktoEcho, les couleurs péruviennes de Armonia Andina et les percussions africaines de Samajam. Quand la musique devient véritablement un langage universel!