Les Conards à l’orange : Canards désenchaînés
Blagues scatologiques, hymnes à la fête, angoisses existentielles de gars de bar et remises en question de la veulerie occidentale. Discussion autour de Le Pied, des puérils et lucides Conards à l’orange.
"C’est quoi déjà le numéro de ta soeur? On chie dans l’eau potable et pis on se torche avec des arbres." Deux phrases (en fait, le texte intégral) de la bien nommée chanson Le Numéro de ta soeur, dont le lien de causalité n’est pas limpide, mais qui résument l’esprit animant Les Conards à l’orange sur leur nouvel album, Le Pied. Leur leader, François "Frank" Custeau, se rappelle: "On avait seulement la ligne sur l’eau potable et les arbres et je trouvais ça bien trop engagé. Philippe [Arbour, guitariste] m’a dit: "Je vais t’ajouter une belle phrase." C’était pour rééquilibrer, pour qu’il n’y ait pas trop d’engagement."
Lieu commun d’un certain punk-ska, le sempiternel party figure toujours parmi les thèmes de prédilection des Conards, à la nuance près que les textes de Custeau, ici, distillent souvent une amertume. C’est le cas sur Trop souvent (saoul), méditation d’un pilier de bar se diagnostiquant un alcoolisme latent, ou sur Tout nu dans rue, plus que la simple invitation à la grossière indécence que son titre laisse présumer. "J’aurais le goût de me promener tout nu parce que j’aime pas la dictature des apparences les autres non plus, pis parce que mon linge il fait dur", admet le Conard en plaquant le dernier accord de la chanson.
"Le ska-punk, c’est une culture de rejets, de gens qui ne se sentent pas à leur place, explique-t-il. En show, tout le monde est ensemble, est content. Prends la danse ska: c’est pour ceux qui ne savent pas danser. Il n’y a pas personne qui te regarde et qui te juge comme dans un club où il faut que tu danses bien. C’est vraiment rassembleur."
DORMIR SUR LE PLANCHER
Deuxième galette de la formation (comptant également Jérémy Beaulieu, Étienne Dauphin et Félix-Antoine Simoneau) qui avait lancé en 2006 Tout le monde est fou sauf le chien, Le Pied marque la fin d’une longue marche entreprise en 2004, année à laquelle remonte la genèse de Mon conditionnement social, chanson-fresque concluant l’album avec plus de 11 minutes sur l’indigence d’un musicien de l’underground et sur les pommes de terre (!!!). "Je me fous de la vitesse du processus. Je le ferais sous n’importe quelles conditions, assure Custeau. C’est vrai que c’est dur. Ça coûte cher, tu fais des shows pas payants, t’as pas accès au circuit médiatique qui fait parler de toi…"
Une connaissance du milieu tempère le mépris que le chanteur pourrait entretenir envers ceux qui persillent la scène avec leur punk de la conformité. "Quand je vais voir un groupe punk ou ska qui fait vraiment juste des jokes, parler de filles, de bière et de party, j’espère qu’il sait un peu d’où ça vient, que ça a des racines dans le social et que c’est un mouvement de contestation. Reste que même si ces musiciens-là ne sont pas engagés socialement dans leurs propos, ils vont se claquer 15 heures de route pour un show, faire 100 $ chacun, manger de la scrap, dormir sur un plancher. C’est ça qui est punk pour eux."
Les Conards à l’orange
Le Pied
(Indépendant)
À écouter si vous aimez /
Vulgaires Machins, MAP, The Hold Steady