Pépé : Trou normand
Entre deux disques de compositions bien en chair, Pépé se tartine un album de reprises françaises, un projet parallèle qui ouvre l’appétit.
Alors que l’automne tire sa révérence, Pépé est au chaud dans sa tanière. "Je suis chez nous à Saint-Raymond, au nord de Québec, nous précise-t-il à l’autre bout du fil. C’est l’hiver ici, mon gars. Y’a de la glace sur le canal en face, tout est blanc. C’est beau, mais ça fesse." Même si la cigale a chanté tout l’été, il n’y a rien à craindre quant à ses réserves de victuailles pour la saison froide, car le turbo-troubadour a récemment lancé Pépé Goes Français, un disque au lait cru et à la pâte ferme, comme le laisse croire le dégoulinant camembert de la pochette. "On cherchait une image qui faisait très "Français de France", explique l’amateur de bonne chère. Quand on a pensé au fromage, j’ai vu le lien avec 100 % boeuf, mon disque précédent. Ça me plaît comme concept; ça ne me surprendrait pas de poursuivre dans cette veine." Comme le scandait une certaine publicité: vive la bouffe!
Après trois albums de compositions qui l’ont positionné comme le plus punk des chansonniers québécois, Pépé s’est donc permis une petite escapade, un projet parallèle: un disque de reprises de tubes français. "Ça ne devait pas devenir un album. C’était pour un show au 400e de Québec." Voilà qui explique le clin d’oeil aux cousins de l’autre côté de l’Atlantique. Toutefois, après une certaine hésitation, le chanteur a décidé de s’inscrire dans cette mouvance des enregistrements de reprises… mais à sa façon. "Je ne savais pas trop comment ça allait être accueilli. J’étais conscient qu’il y en avait déjà beaucoup. Malgré tout ce que j’entendais, je me suis dis que j’allais faire quelque chose d’artistiquement valable. Je me suis fait confiance." La décision fut bonne car pour cet artiste habitué d’aller chercher ses fans un à un grâce à de délirants concerts, plusieurs portes se sont ouvertes grâce à Pépé Goes Français: sa version de Canary Bay joue sur les ondes du réseau NRJ et on pourra bientôt entendre sa reprise de La Ballade des gens heureux dans une campagne publicitaire de Telus.
L’INSTINCT DE PÉPÉ
Pépé a plongé dans ce projet sans s’être nécessairement tapé de longues séances d’écoute du répertoire français. "Ça s’est fait un peu par instinct. C’est un flash. D’ailleurs, j’ai une culture de la francophonie seulement depuis que je fais ce métier-là. Avant, je n’écoutais que du punk, de la musique anglophone que je ne comprenais pas. Quand je me suis fermé les yeux pour penser aux chansons que je voulais faire, c’est surtout la vieille pop française qui me venait en tête." Cela ne l’a pas empêché de reprendre la chanson Manu Chao des Wampas. "D’ailleurs, de tous les artistes que j’ai repris, il y a juste les Wampas dont j’ai l’album chez nous. On me disait que j’aurais pu reprendre Gainsbourg ou Dutronc, mais ce sont des artistes que je respecte tellement… Je n’aurais pas été capable de faire une version de Et moi, et moi, et moi sans être gêné de m’écouter."
Au final, ce Goes Français possède le caractère rassembleur qui est cher à Pépé. "J’en suis assez content. Ça peut parler à plein de gens tout en conservant la saveur festive et les textures musicales qui me font triper: le rock’n’roll, le ska, le reggae…"
L’artiste n’exclut plus l’idée de se permettre une ou deux reprises sur ses prochains albums de compositions, comme si ce projet légitimait toutes les incartades futures. Toutefois, Pépé demeure bien conscient du côté pervers de cette mode des covers: "On écoute des reprises tous les jours sans même s’en rendre compte. Peut-être bien qu’il y en a qui vont penser que c’est moi qui ai composé Canary Bay et qui vont allumer dans cinq ans." Voilà qui devrait mettre les animateurs d’NRJ sur la piste…
À écouter si vous aimez /
La pop française, Les Wampas, Indochine