We Are Wolves : Visible maturité
Musique

We Are Wolves : Visible maturité

Jeune loup instinctif à sa naissance, We Are Wolves a grandi pour devenir un chef de meute rusé sur Invisible Violence, un album qu’il présentera sur les planches du Nord-Ouest Café cette semaine.

À travers ses trois albums, Non-stop je te plie en deux (2005), Total magique (2007) et le tout nouveau Invisible Violence, la formation montréalaise We Are Wolves a réussi là où de nombreux groupes "électro-clash" ont échoué. S’affranchissant peu à peu de la simple fusion entre l’esprit punk et les sonorités électroniques noyées de distorsion, le trio a tout simplement réussi à évoluer, ce qui lui permet aujourd’hui de se dissocier de l’éphémère étiquette. Voguant vers un registre pop plus accessible que celui des Georges Leningrad, moins racoleur que celui de Peaches et beaucoup plus réfléchi que celui de leurs contemporains à la recherche d’agressivité et de rapidité, Alexander Ortiz (voix, basse, guitare), Vincent Lévesque (synthétiseurs, boîte à rythmes) et Antonin Marquis (batterie, percussions, choeur) prouvent qu’ils sont là pour rester.

ENTRE DEUX CHAISES

Dans les bacs depuis le 6 octobre, Invisible Violence est un compact fougueux, intelligent et surtout digeste pour un large bassin d’oreilles, même celles éduquées à la voix aiguë d’Ozzy Osbourne, avec qui Ortiz partage le même registre. "C’est drôle que tu dises ça parce que notre nouveau disque est sans doute notre plus électro des trois, mais je crois qu’on a bien réussi à se servir de l’électro pour rassasier notre soif de rock. Du moins, l’équilibre me semble au point. Car We Are Wolves a toujours été assis entre deux chaises: le rock et l’électro, deux courants plutôt opposés", explique Vincent en entrevue.

Le claviériste avoue d’ailleurs ne s’être jamais soucié de l’étiquette et de la mode électro-clash, ce qui, selon lui, a justement permis à We Are Wolves d’avancer. "Je n’ai jamais rien eu contre ce courant, mais je pense que l’ignorer nous a permis de prendre des risques. On veut toujours tirer le maximum de nos capacités, et forcément, on est de meilleurs musiciens qu’à nos débuts. On peut ainsi se permettre d’imaginer quelque chose de plus complexe et le reproduire facilement en studio. Lorsqu’on compose une chanson, on la joue d’abord d’une manière plus traditionnelle et on s’amuse ensuite à l’interpréter de différentes façons. Ainsi, jusqu’à ce qu’elles soient immortalisées en studio, nos compositions sont en constant mouvement. On se remet toujours en question."

L’ASSURANCE DU CHEF

Enregistré cet été à l’Hotel2tango par Radwan Ghazi Moumneh (Libanais et Montréalais d’adoption derrière le projet Jerusalem in my Heart), le résultat est saisissant. Avec un titre faisant référence à diverses théories sur l’esthétique et la résonance littéraires, d’Antonin Artaud à Nietzsche, Invisible Violence s’abreuve de punk mexicain, de rock très Stooges, de new-wave à la Cure (ou même Duran Duran) et de post-punk rappelant The Cramps. Le tout servi avec une efficacité mélodique à faire baver de nombreux groupes indé. Mais par-dessus tout, on sent surtout que We Are Wolves a pris confiance en ses moyens.

"Bof, pas tant que ça", rétorque Vincent. "On revient tout juste de tester nos nouvelles chansons sur scène à Québec, et je n’ai jamais été aussi stressé de toute ma vie. On présente quelque chose d’assez différent, et je me suis arrangé pour que nos nouvelles pièces soient plus faciles à jouer pour moi en concert. Ça ne sonne pas comme un problème, mais puisque j’avais plus de temps pour réfléchir à ce qui se passait, je me suis mis à freaker totalement. Je me demandais constamment si la foule aimait ça, si on était bons, j’anticipais les problèmes techniques. Mais quand tu mènes une vie de créativité, tu fais des choix qui ont un impact sur ta carrière tous les jours. Tu te dois de les assumer."

Parmi ces choix, il y a ces pochettes conçues par Vincent et Alexander, tous deux artistes visuels. Avec ses dessins de crânes et sa symétrie parfaite sur fond blanc, celle d’Invisible Violence évoque au passage la présentation du précédent Total magique. "Ces pochettes naissent d’un désir d’épuration. C’est d’ailleurs l’autre grande quête de We Are Wolves: l’envie d’une pureté minimaliste. Il y a tellement de groupes qui en font trop, autant dans la vie qu’en studio."

Less is more, comme disait l’architecte Ludwig Mies van der Rohe.

À écouter si vous aimez /
Les Georges Leningrad, The Stooges, Déjà Voodoo