Fredric Gary Comeau : Lucide comme Comeau
Fredric Gary Comeau lance Effeuiller les vertiges, un troisième album témoin d’une grande lucidité qu’il présentera sur scène à Coup de coeur francophone.
Fredric Gary Comeau n’a pas peur des grands mots: vertiges, tremblements, démons, désirs. Il fait état, sur ce disque, des grands bouleversements qu’il a connus ces dernières années. "En 2007, j’ai vécu une sorte de crise de la quarantaine précoce. J’ai mis fin à une relation de cinq ans, sur un coup de tête. Parallèlement, j’ai appris que j’étais diabétique. J’ai eu alors une prise de conscience de la mort. Et puis j’ai connu une période d’errance amoureuse et d’errance tout court. J’ai voyagé à Buenos Aires pour écrire mon dernier recueil de poésie. L’album raconte tout ça: la rupture, mais aussi tout ce qui s’est passé après: les rencontres d’un soir, les grandes et petites coïncidences de la vie, et puis les débuts d’une nouvelle histoire."
Appuyés par des musiques douces, une rythmique chaloupée, les textes de Comeau sont avant tout lucides. L’auteur-compositeur aborde ses failles, ses fêlures, cette fâcheuse tendance qu’il a de vouloir tout foutre en l’air. Tout ça avec candeur, de la manière la plus directe possible. Il fait preuve d’une nouvelle distance face à lui-même qui l’a poussé à écrire différemment. "Au fil des années, j’ai trouvé un rythme de travail qui fonctionne très bien. Avant, je faisais de gros blocs d’écriture. Et puis je retravaillais beaucoup mes textes. J’appelais ça "tailler mon bonzaï". Alors qu’aujourd’hui, j’écris très, très lentement. C’est un exercice presque méditatif. Et je garde presque tout. En somme, je suis un anti-Kerouac. Je suis incapable de prendre des amphétamines et d’accoucher d’une oeuvre complète en quatre jours."
Comeau a maintenant la volonté ferme de vivre dans le moment présent, d’accepter les erreurs de son passé avec une certaine sérénité. Et lorsqu’il chante "J’ai mes démons, je veux voir les vôtres", il nous invite à faire de même. "Je suis moins dans l’urgence de vivre, je ressens moins le besoin de lutter pour survivre. J’accepte autant mes fêlures que mes moments de joie, de manière égale et sans rébellion." Au fond, Fredric Gary Comeau a compris qu’on ne peut guère échapper au flux et reflux des émotions. "Nos émotions sont comme des baleines dans les ruisseaux de nos vies", lance-t-il un peu à la blague.
Sur ce disque, le ruisseau, c’est bien sûr la musique orchestrée par le réalisateur François Lalonde (Jean Leloup, Lhasa), qui a fait l’économie des effets de style. Un peu de réverbération ici et quelques notes de slide viennent donner au disque un ton nimbé. Ariane Moffatt prête sa voix et son doigté à Nos tremblements, point d’orgue de l’album.
Comeau joue les sensuels sur la couverture de l’album où il pose nu accompagné d’une jolie demoiselle, comme dans ses textes. Il est amoureux. Le disque se clôt sur une sorte de demande en mariage, ou en tout cas sur une promesse faite sous un ciel clair. À une jeune femme, il avoue vouloir "être le verbe qui effleure sa chair". L’ami Comeau serait-il donc heureux?
Fredric Gary Comeau
Effeuiller les vertiges
(Tacca Musique)
En magasin le 10 novembre
À écouter si vous aimez /
Thomas Hellman, Benjamin Biolay, Timber Timbre