Girls : Les fleurs du mal
Musique

Girls : Les fleurs du mal

Pour Girls et son chanteur-parolier, écorché vif, la rédemption passe par un rock sale, paumé et charbonneux, chauffé par le soleil de San Francisco.

Quand un duo masculin baptisé Girls lance un album intitulé… Album, dont la première chanson porte le titre de l’hymne à la vie d’Iggy Pop (Lust For Life), que la couverture de l’album est directement inspirée par celle de Behavior des Pet Shop Boys, et que ledit band de San Francisco est enveloppé d’une hype, on se dit, en le glissant dans le lecteur, qu’il doit y avoir une bonne part de second degré là-dedans. On change d’avis après quelques écoutes. "Il n’y a pas d’ironie, confirme Christopher Owens, chanteur-parolier que la journaliste doit filer, traquer, puis amadouer avant de le faire aller à confesse. Lorsque JR White et moi nous sommes rencontrés, nous étions devant rien, en même temps. Pour cette raison, justement, la musique est devenue la chose la plus importante pour chacun de nous."

Sur leur premier effort, les Californiens multiplient les références musicales. "Je trouvais important de ne pas essayer de les dissimuler. De toute manière, elles finissent toujours par apparaître." Pensez aux groupes-phares de la britpop, aux années shoegaze, à des mélodies vaguement inspirées par les Beach Boys, aux standards des années 60, à Roy Orbison ou Buddy Holly, tout ça sans oublier qu’Owens a 29 ans; l’ancrage de toutes ces influences est essentiellement rock.

La musique est apparue dans sa vie comme une planche de salut, au bout d’une enfance à oublier, auprès de parents impliqués dans la secte Children of God, décriée pour ses abus sexuels sur les enfants, entre autres méfaits. Owens, qui chantait dans la chorale des Enfants de Dieu, n’était pas autorisé à écouter autre chose. Il déserte la secte à l’adolescence, erre et voyage, se fait des amis et des copines avec qui il jouera dans divers groupes (Hubris, Curls, Holy Shit!). "Mais ce n’était jamais ma musique à moi. Je jouais avec d’autres, pour le fun. Depuis que j’ai 12 ans, je compose des musiques instrumentales, sans texte. En 2007, j’ai commencé à écrire des paroles et ensuite, les choses ont évolué dans ce sens." La dernière chanson du gravé est d’ailleurs consacrée au plaisir qu’il éprouve à… écrire des chansons, dont la magnifique Morning Light, sous forte influence shoegaze. "Certains disent qu’elle leur évoque Sonic Youth. Parfois, les gens sont vraiment à côté de la track et voient des références à Sonic Youth partout. C’est une chanson qui porte sur l’amitié. Tu sais, il y en a qui ne se sentent pas proches du tout de leur famille… Alors, tes amis deviennent ta famille, et il faut en profiter, ne pas les négliger, car on ne sait jamais pendant combien de temps on aura la chance de les côtoyer."

La musique peut-elle être le lieu d’une rédemption? "La musique devient ce qu’on veut qu’elle soit. Certains sont trop fermés pour la laisser s’immiscer en eux. C’est lorsqu’on se laisse atteindre par elle qu’elle devient puissante. Quand tu fais de la musique en poseur, pour être cool, ou en te demandant ce qui pourrait devenir populaire, ça donne inévitablement quelque chose de mauvais. Moi, j’essaie juste de m’aider et de rejoindre les autres."

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