Dee Dee Bridgewater : R.E.S.P.E.C.T.
Musique

Dee Dee Bridgewater : R.E.S.P.E.C.T.

Dee Dee Bridgewater conjugue son art avec celui de Billie Holiday. Une fusion totale où la musicienne s’approprie le mythe.

Billie Holiday est une figure mythique du jazz. Sa voix est unique, sa vie fut tragique et sa disparition, elle, fut précoce (elle est décédée à l’âge de 44 ans en 1959). Une légende que la chanteuse Dee Dee Bridgewater connaît bien. Elle l’a même incarnée au théâtre en Europe, dans le rôle-titre de la pièce Lady Day. Une performance qui lui avait valu une nomination aux Laurence Olivier Awards, en Angleterre, en 1987.

De retour aux Etats-Unis l’année dernière, elle comptait bien produire cette pièce de théâtre à Broadway. Une pièce où l’actrice fréquente la chanteuse, le mariage parfait pour cette artiste polyvalente. Malheureusement, les investisseurs n’étaient pas au rendez-vous. "Avec l’économie et tout ça, c’était le mauvais moment pour produire cette pièce, admet-elle dans un français impeccable. J’avais déjà décidé de faire un disque en parallèle. Il faut comprendre que, lorsque j’ai joué cette pièce, j’allais chercher des intonations de Billie Holiday en chantant, je mélangeais sa voix avec la mienne. Sur le disque, je voulais ajouter des arrangements plus modernes qui révéleraient ma personnalité musicale."

Maintenant que les enregistrements sont terminés, Dee Dee Bridgewater, à la tête de sa propre étiquette de disques (DDB Records), vaque aux derniers préparatifs de cet album. De retour sur scène, elle nous offrira cet hommage réinventé en compagnie d’Edsel Gomez (piano), Kenny Davis (contrebasse), Bruce Coxx (batterie) et Craig Handy (saxophone).

"Billie Holiday, je la respecte pour sa voix, mais surtout pour la femme qu’elle a été, précise-t-elle. Elle a vécu à une époque difficile; elle a eu une vie difficile. On s’identifie à ça. En fait, toutes les grandes dames du jazz font partie de moi! Je n’aurais pas pu exister sans elles: Sarah Vaughan, Ella Fitzgerald, Carmen McRae, Nina Simone, Betty Carter…"

Cette dernière, une interprète au caractère fort et qui gérait son propre orchestre, Dee Dee Bridgewater l’a idolâtrée et en a fait un modèle de carrière. "Lorsque des musiciens accompagnent une interprète, ils tiennent ça pour acquis, remarque-t-elle. Moi, je ne suis pas dupe. Il faut qu’ils soient au même niveau que moi. Ils sont surpris! J’ai la réputation d’être quelqu’un de très "gentil". C’est après, lorsqu’ils sont enterrés de partitions, qu’ils comprennent qu’ils doivent se mettre au boulot. Et je ne me gêne pas! Si ça ne me plaît pas, sur scène, j’arrête tout: "Que faites-vous là? C’est quoi cette merde?" Et on recommence. Je n’ai plus de temps à perdre. De plus en plus on me dit que je ressemble à Betty Carter!"

Tout se résume avec les mots du pianiste Herbie Hancock – prononcés lors d’un mea culpa – qu’elle nous cite: "Vous n’êtes pas une chanteuse. Vous êtes une musicienne. Vous pouvez faire ce que vous voulez avec votre voix." Et il s’est excusé de la manière dont il m’avait traitée au début de ma carrière. Ça m’a beaucoup touchée."

À écouter si vous aimez /
Sarah Vaughan, Billie Holiday, Betty Carter