Fred Fortin : Nouvelle lune
Musique

Fred Fortin : Nouvelle lune

Après une année ponctuée de payants imprévus, Fred Fortin se consacre à nouveau à sa carrière et lance son quatrième album solo, Plastrer la lune (comme dans plâtrer la lune).

Si tout s’était déroulé comme prévu, Plastrer la lune, le quatrième album solo de Fred Fortin, aurait vu le jour l’automne dernier. Or, la vie est un parcours semé d’imprévus, comme cet appel qu’a reçu le musicien à la fin de l’été 2008, juste après qu’il se soit isolé dans son chalet du Lac-Saint-Jean pour composer et enregistrer les maquettes du compact. Au bout du fil: le Français Thomas Fersen pour qui Fred venait de terminer la réalisation de l’album Trois Petits Tours. "Il m’a demandé de venir jouer de la basse pour sa tournée européenne liée à la parution du disque. Disons qu’il m’a fait une offre que ma situation financière ne me permettait pas de refuser. Mais pour être franc, je ne crois pas que mon album aurait été prêt à temps de toute façon", confie le Bleuet.

Ainsi, plutôt que d’évoluer au centre d’une campagne promotionnelle inhérente à la commercialisation d’un compact, Fred a traversé l’Atlantique pour jouer un rôle de soutien dans le même genre d’aventure. Il y a passé une bonne partie de l’automne et de l’hiver derniers, période pendant laquelle un kid assis sur une machine médiatique titanesque a repris Moisi moé’ssi (voir encadré), et où le Québec a vu déferler la vague Dédé à travers les brumes, un film consacré à celui qui a hébergé Fred dans son appartement du 2116, boulevard Saint-Laurent, pendant plusieurs mois de la décennie 90. "J’ai commencé à écrire des tounes pour vrai à 21 ans. J’avais enregistré un démo dans un magasin de musique au Lac où je travaillais. Dédé a entendu la cassette et a appelé au magasin pour m’inviter à faire la première partie des Colocs. Pendant plusieurs années, il a été mon défenseur, le grand frère qui portait le flambeau pour moi. J’ai eu ben de la misère avec tout le flot médiatique qui a suivi sa mort. C’est bizarre de vivre le deuil de ton ami quand tout le Québec le vit aussi. C’est sûr que j’ai encore mal. Je n’ai pas vu le film et je ne veux pas le voir. Je respecte les gens qui se sont sentis à l’aise de participer au projet, comme je respecte les musiciens des Colocs qui n’ont pas envie d’arrêter de jouer les chansons du groupe, mais moi, dès qu’un producteur se fait de l’argent avec cette histoire-là, je décroche."

CONCENTRE DE BON GOUT

De retour au Québec au printemps, Fred Fortin a terminé Plastrer la lune au cours des derniers mois. À mi-chemin entre les atmosphères progressives de Planter le décor, le rock décapant de Gros Mené, l’approche blues/folk minimaliste du Plancher des vaches et les sympathiques portraits glauques de Joseph Antoine Frédéric Fortin Perron, le compact prend l’allure d’un concentré de tout ce que Fred a réussi en carrière. "Dans le fond, ce que tu veux faire avec un album t’est dicté par ce que tu ne veux pas faire. Avec Plastrer, je voulais m’éloigner de Planter le décor. Je ne voulais pas d’un disque mélancolique aux arrangements chargés. Ces derniers temps, je trouve que les artistes beurrent épais en studio, et je suis encore touché par des chansons très simples et dépouillées. C’est ce qui explique le côté plus roots. C’était ma quête."

Sur ces musiques éclectiques teintées par l’approche lo-fi récurrente de Fred vivent des personnages charismatiques, souvent souffre-douleur d’une société intolérante aux différences. "Thomas Fersen m’a dit un jour qu’il préférait mon premier album à cause des histoires. C’était plaisant de revenir à cette forme d’écriture. Dollorama m’a été inspiré par plusieurs filles, dont une qui travaillait vraiment dans un Dollorama. Bobbie est un clin d’oeil aux personnages que l’on rencontrait à Dolbeau, ceux que tout le village connaissait. Des fois, j’imagine tout de A à Z, comme la vie de Madame Rose qui tue son mari. Dans le fond, je me raconte des histoires, je pars à rire et j’écris une toune."

Aussi touchante que Moisi moé’ssi, espérons que cette Madame Rose connaisse le succès qu’elle mérite avant qu’un académicien la reprenne en 2023.

Fred Fortin
Plastrer la lune
(C4/DEP)

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LA PLANETE FRED, LA COMETE WILLIAM

Non, Fred Fortin n’a pas été consulté lorsque le jeune William Deslauriers a décidé de reprendre Moisi moé’ssi lors d’un gala de Star Académie pour ensuite immortaliser sa version sur l’album de la cuvée 2009 du concours. Calme, le compositeur ne s’en formalise guère. "Il y a ben des affaires que je n’aime pas dans la vie, comme Star Académie et les artistes de variétés en général, mais je n’ai pas d’énergie pour me battre contre ça. J’étais même content que quelqu’un dans cette usine à petits Boom Desjardins pense à reprendre une de mes pièces. Maintenant, sa version est devenue un vrai gros succès auquel je ne m’attendais pas. Qui sait? Je vais peut-être faire plus d’argent en droits d’auteur avec cette reprise qu’avec toutes mes ventes d’albums en carrière (30 000 disques vendus). Chose certaine, je ne pense pas qu’un nouveau public vienne de s’ouvrir à moi."