Pierre Morency et Pauline Vaillancourt : Conte musical
Chants Libres procède à la création du tout premier opéra de Gilles Tremblay, L’eau qui danse, la pomme qui chante et l’oiseau qui dit la vérité. On en parle avec Pierre Morency, librettiste, et Pauline Vaillancourt, directrice de la compagnie.
Lors de ce que l’on considère souvent comme le premier concert de "musique contemporaine" à Montréal, le 1er mai 1954, Gilles Tremblay faisait déjà entendre sa musique. Il a eu depuis cette époque une carrière prolifique, et sa musique est allée dans toutes les directions. Toutes, sauf une: il ne s’était encore jamais frotté à l’opéra. C’est Pauline Vaillancourt, directrice de la compagnie Chants Libres, qui l’y a amené.
"Ça date déjà d’il y a longtemps. Dès la deuxième production de la compagnie, Il suffit d’un peu d’air (1992) de Claude Ballif, j’avais demandé à Gilles pourquoi il n’écrirait pas un opéra, mais ça ne l’attirait pas. Et puis il est revenu, plus tard, à un de nos spectacles, Les Chants du Capricorne (1995) de Scelsi, et après il m’a dit: "Je crois que je comprends ce que vous voulez." Ensuite, j’ai rencontré Pierre Morency, par hasard, et j’ai compris que ces deux-là pourraient faire quelque chose ensemble."
Morency, bien qu’il ait touché au théâtre et publié plusieurs recueils de poésie, en est lui aussi à son premier opéra, un genre que les auteurs d’ici ont rarement l’occasion d’explorer. "Je n’ai jamais écrit pour la musique, explique-t-il, bien que certains de mes textes aient été mis en musique. Nous sommes partis de l’idée de ce conte merveilleux. Cette pomme qui chante et cet oiseau qui parle fascinaient Gilles. Comme je m’intéresse moi-même aux contes merveilleux depuis longtemps, ça m’a plu tout de suite." Les deux créateurs ont pu trouver plusieurs variantes de ce conte aux archives de folklore de l’Université Laval, mais l’idée de base est empruntée à Madame D’Aulnoy, une contemporaine de Charles Perrault. L’auteur avoue qu’il recommencerait l’expérience avec plaisir, "et avec Gilles Tremblay"!
S’il avait été long à s’y mettre, l’inspiration du compositeur, elle, n’attendait que ça. "La première fois qu’ils m’ont présenté le travail, explique Vaillancourt, il y en avait pour huit heures! Gilles s’est laissé porter, et il y avait beaucoup de personnages, des acrobates, beaucoup de musiciens, des choeurs, etc. Je lui disais: "Réduisez, réduisez!" parce que pour Chants Libres, c’était trop gros. Puis, il m’a dit: "J’ai réduit." Il avait coupé un musicien!" Morency précise: "Il était de toute façon préférable de devoir resserrer le tout plutôt que d’étirer la sauce!"
Cette prolixité du compositeur et de son librettiste (qui se reflète jusque dans le titre) aura tout de même accouché de la plus grosse production de Chants Libres: un opéra d’une durée de 140 minutes avec Lorraine Vaillancourt dirigeant un Nouvel Ensemble Moderne augmenté à 25 musiciens et pas moins d’une douzaine de chanteurs (parmi lesquels Marianne Lambert, Marie-Annick Béliveau et Michèle Motard). La mise en scène a été confiée à Robert Bellefeuille, et la scénographie, à Jean Bard.