Douze Hommes rapaillés : Le coeur de l’homme
Gaston Miron a trouvé ses voix et la musique fait corps avec ses mots. Douze Hommes rapaillés remontent sur scène pour le célébrer.
L’année dernière, Gaston Miron a été célébré sur disque. Ses poèmes ont trouvé musique et 12 hommes les ont chantés. L’entreprise fut un succès. L’album Douze Hommes rapaillés a trouvé plus de 30 000 preneurs. Gilles Bélanger, concepteur du projet et compositeur de surcroît, s’en réjouit et pense déjà à une suite. Pour couronner le tout, le réalisateur de ce disque, Louis-Jean Cormier, a reçu un Félix pour son travail il y a quelques semaines, au dernier Gala de l’ADISQ. Une bonne tape sur l’épaule pour l’auteur-compositeur-interprète qui oeuvre au sein du groupe Karkwa.
Après un premier spectacle aux FrancoFolies de Montréal l’été dernier, les 12 artistes se réunissent de nouveau sur scène pour donner vie aux poèmes de Gaston Miron, ce personnage incontournable de la littérature québécoise qui a contribué, avec son oeuvre, à définir notre identité francophone. C’est le travail accompli avec Chloé Sainte-Marie qui a motivé Gilles Bélanger à faire cet hommage. Après avoir adapté en chansons 34 poèmes pour l’interprète, dont peu étaient de Miron, il a constaté qu’il était impératif de rendre un hommage intégral à ce géant.
"Gaston, il faisait le lien entre le pays et l’amour que l’on porte à une femme, constate-t-il. Pour lui, c’était indissociable. On ne peut pas imaginer l’indépendance, par exemple, si on ne témoigne pas de l’amour pour un autre être humain. C’était un défenseur de la langue. Il a gueulé sur la place publique. Mais c’était avant tout un homme du peuple, un poète qui avait beaucoup de tendresse pour les gens. Sur ce disque, on trouve des poèmes d’amour, des poèmes écrits par un homme pour une femme. Assez tôt, après avoir consulté sa femme et sa fille, nous avons constaté que c’était des voix d’hommes qui s’imposaient. Ça rejoint son propos."
Michel Rivard est l’un de ceux-ci et interprète La Mémorable, tirée du recueil Poèmes épars. Habitué aux spectacles hommages, il distingue en tout point ce projet des autres expériences qu’il a vécues par le passé. La direction artistique était claire, chaque interprète devait fusionner avec l’univers musical créé par Louis-Jean Cormier et interprété par des musiciens triés sur le volet, tels que François Lafontaine (clavier), Robbie Kuster (percussions), Guido Del Fabro (violon), Mario Légaré (basse) et Mélanie Auclair (violoncelle).
"On sentait la complicité entre Gilles et Louis-Jean, se rappelle Michel Rivard. Une totale confiance l’un envers l’autre. Quand je suis arrivé en studio, j’ai fait la chanson live avec les musiciens. On avait vraiment l’impression de créer quelque chose sur place. J’avais pas besoin de faire du Michel Rivard. Tout ce que j’avais à faire, c’était chanter, écouter les musiciens, participer avec eux. C’est la même chose qui se produit, maintenant, en spectacle. Dans une situation comme celle-là, on fait totalement confiance à la chanson et on se laisse aller. En plus, ce sont des chansons inédites, on n’a pas à faire oublier l’interprétation de quelqu’un d’autre."
Avec, entre autres, Yann Perreau, Pierre Flynn, Jim Corcoran, Vincent Vallières, Daniel Lavoie, Martin Léon et Plume Latraverse (ces deux derniers, ainsi que Michel Faubert, seront absents pour le spectacle à Québec), on se retrouve avec trois générations d’artistes réunies. Une sélection qui aurait pu détourner la direction musicale du projet ou étioler la cohérence que l’on trouve sur cette production. Au contraire, chacun s’est prêté à l’exercice sans difficulté. "Quand on réfléchissait, Gilles et moi, au choix des interprètes, on pensait avant tout à l’atmosphère, précise Louis-Jean Cormier. On voulait quelque chose de très amical. On ne voulait pas non plus faire la fine gueule et se limiter à nos amis, ce n’est pas ça. Ce sont des gens choisis en fonction d’une bulle et en qui j’avais confiance. Je pense que l’unité de ce disque est fondée sur l’amitié."
"C’est 12 hommes, 12 carrières, 12 personnalités et 12 ego, ajoute Michel Rivard. Pourtant, on n’a jamais senti de résistance. Sur scène, par exemple, personne n’est nommé. On chante à tour de rôle, on fait nos tounes. Comme j’ai déjà participé à d’autres spectacles collectifs, j’ai pu constater certains comportements plates. Certains artistes, que je ne nommerai pas, qui veulent être absolument présentés à telle place "stratégique" dans le show… Dans ce show-là, oublie ça. C’est 12 hommes avec des musiciens qui sont au service d’une oeuvre significative. Y a pas de concours d’applaudissements." À écouter si vous aimez /
Chloé Sainte-Marie, Karkwa, Vincent Vallières