M pour Montréal : M pour Madame
Musique

M pour Montréal : M pour Madame

Au lieu de donner la parole aux habituels garçons aux cheveux hirsutes de la scène locale, nous avons décidé, pour souligner M pour Montréal, de la donner aux jeunes femmes, autrement plus charmantes, qui prennent d’assaut la musique montréalaise.

Qu’ont en commun Elisapie Isaac, Sabrina Sabotage d’Orange Orange, Fanny Bloom de La Patère rose et Caracol, hormis une paire de chromosomes X? Musicalement, pas grand-chose! Les unes font de la folk sensible, les autres, de l’électro-pop excentrique, l’une gratte de la guitare, l’autre préfère les machines à loops, certaines chantent en solo, d’autres, accompagnées de garçons. Pourtant, c’est avec le même enthousiasme qu’elles ont accepté de participer à cette petite discussion entre filles. Pour le compte, Voir se prenait pour The View.

On pourrait penser qu’en 2009, époque post-féministe, à l’ère de Feist, de La Roux, de Lady Gaga mais aussi de Marie-Pierre Arthur, d’Ariane Moffatt et de Misstress Barbara, l’idée de rassembler des filles dans un même article, de les réduire à leur plus commun dénominateur, leur féminité, soit un peu réductrice.

"Je ne crois pas, objecte Elisapie Isaac. C’est important de dire que les madames ont leur place. C’est encore vrai que le monde de la musique est majoritairement masculin. Je crois que ça peut aider d’avoir un peu de discrimination positive."

"Je vois ça plus comme un hommage, renchérit Fanny Bloom. Ce n’est pas réducteur du tout. Il faut souligner qu’il y a de plus en plus de femmes qui prennent leur place…"

"Et même si nos styles sont très différents, poursuit Caracol, nous sommes capables de parler des mêmes sujets, nous avons vécu des expériences similaires."

DE CAROLE KING A MARA TREMBLAY

En musique, l’affirmation des femmes est passée par le folk, par des auteures-compositrices engagées, des Janis Joplin, des Joni Mitchell qui, elles-mêmes, marchaient dans les pas émancipateurs des grandes du jazz: Nina Simone, Ella Fitzgerald. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, une lignée de femmes fortes s’est manifestée, des femmes qui se sont opposées à l’image des chanteuses-poupées qui, des Dixie Cups d’hier aux Pussycat Dolls d’aujourd’hui, ont représenté la vision traditionnelle de la femme-potiche: aguicheuse, attirante, ou pire, décorative.

"Ce sont les chanteuses des années 60 et 70 qui m’ont le plus inspirée, commente Elisapie, des chanteuses comme Carole King qui écrivaient leurs chansons à la guitare. Il y avait, chez ces femmes, une recherche de vérité, de sincérité. Elles avaient l’art de mettre la voix en valeur avec des mélodies."

Et si dans le monde entier, y compris au Québec, les années 80-90 ont été celles des chanteuses-à-la-voix-pleine-d’émotion, les années 2000 marquent le retour de la musicienne, de la chanteuse multi-instrumentiste. "Aujourd’hui, beaucoup de filles endossent plusieurs rôles. Leur porte d’entrée a peut-être été une Feist ou, chez nous, une Mara Tremblay", pense Caracol. "Dans mon cas, c’est Camille qui m’a fait comprendre qu’il y avait quelque chose d’autre que le mariage piano-voix pour les femmes", se souvient Fanny Bloom.

LE PARADOXE GAGA

Certes, les héritières du revival folk des années 60 sont nombreuses. Mais cette année, c’est Lady Gaga, avec ses tenues en stretch, qui a dominé les hit-parades. Sommes-nous revenus à la case départ?

"Personnellement, j’ai du respect pour Lady Gaga, défend Sabrina Sabotage. En la voyant, je me suis dit: enfin quelqu’un qui ressort une énergie pop, à la Warhol. Je crois que la vérité est dans la musique. Du moment que la proposition musicale est claire, chacune fait son chemin. Le reste, c’est une question de style, d’apparence. C’est vrai que les filles sont jugées sur tout ça. Mais bon, les gars se regardent aussi dans le miroir en tabarnouche dans ce milieu!"

En effet, aujourd’hui plus que jamais, tout est question de look, de concept visuel. Difficile d’être musicienne, ou même musicien, sans avoir travaillé son image.

"C’est un gros combat, constate Fanny Bloom. Il y a des jours où je me pose la question par rapport à cet aspect du métier. Des fois, j’ai l’impression que les gens perçoivent notre musique d’une certaine façon à cause d’un emballage qui attire l’attention, mais qui déconcentre de l’essentiel: c’est-à-dire la musique. Alors j’essaie de marier les deux aspects. Oui, en spectacle, il faut que ça brille. Mais chez nous, le travail est là, les textes et la musique sont travaillés."

"Quand tu es une femme, renchérit Elisapie, tu dois, d’une façon ou d’une autre, faire appel à ton pouvoir de séduction. Ça vaut autant pour les femmes que pour les hommes. Chanter, c’est séduire."

Elisapie Isaac, le vendredi 20 novembre, à 16 h 45, à la Chapelle historique du Bon-Pasteur
La Patère rose, Orange Orange et Caracol, le samedi 20 novembre, à partir de 15 h, au Petit Campus

M POUR MONTREAL: NOS SUGGESTIONS

Think About Life: Difficile de résister à ce "broken toy disco-rock" d’où se dégage une forte couleur soul-funk. Le jeudi 19 novembre, à 23 h 45, au Studio Juste pour rire

Silly Kissers: Ces Montréalais originaires d’Edmonton rendent hommage à la pop synthétique des années 80, façon New Order, la pop rose bonbon et les hooks accrocheurs en plus. Le vendredi 20 novembre, à 21 h, au Cabaret Juste pour rire

Fucked Up: Ce groupe revisite le punk hardcore. En ajoutant toutes sortes d’instruments hétéroclites qu’on ne retrouve pas habituellement dans ce style de musique: flûte, cuivres, orgue, Moog, congas, Fucked Up se démarque et se positionne dans une classe à part. Le samedi 21 novembre, à 23 h 45, au Métropolis