Timber Timbre : Et tombent les larmes
Musique

Timber Timbre : Et tombent les larmes

Paru au début de 2009, mais réédité cet été par l’étiquette Arts & Crafts, le troisième album éponyme de Timber Timbre se révèle être l’un des plus beaux albums de l’année. Un folk blues raffiné et bouleversant.

Il y a de ces albums qui tombent à point. Le genre de disque dont, pour des raisons infiniment personnelles, la charge émotive correspond à votre état d’esprit immédiat. Prenez le troisième effort de la formation folk blues canadienne Timber Timbre, une bouée de sauvetage à laquelle je m’accroche ces derniers temps pour me relever d’un cancer qui a déclaré la guerre à ma mère cet automne. Sombre et dépouillé, le compact baigne dans un univers métaphorique où les fantômes vous prennent par la main sur le chemin du purgatoire. Cerveau derrière le projet, Taylor Kirk s’interroge sur l’espoir, la peur de la mort et ce rapport particulier qu’entretiennent patients et maladies, mais aussi celui qui unit le malade et ses proches. La flèche vient se planter droit dans le mille. Le coeur est la cible.

"J’ai composé le disque après avoir vécu avec quelqu’un de gravement malade, explique Taylor Kirk. C’est un sujet extrêmement délicat pour moi, ce qui explique toutes ces métaphores contenues dans mes textes. J’ai fait attention de ne pas trop donner de détails sur cette histoire, mais disons que pendant plusieurs années, l’hôpital est un peu devenu mon deuxième chez-moi. Et comme j’ai vécu cette épreuve dans un certain isolement, j’ai couché mes pensées sur papier. J’ai eu cette fixation sur le rapport qu’on entretenait avec la maladie. Comment le patient réagit, comment ses proches vivent la situation, comment ils interagissent avec la victime."

Compassion, impuissance, doutes et craintes se déclinent à travers des titres comme Trouble Comes Knocking, We’ll Find Out ou I Get Low. Au service d’ambiances introspectives collées aux racines mélancoliques du folk et du blues, les sobres arrangements de guitares et d’orgues appuient une voix chaude pour une valse avec la Grande Faucheuse évoquée dans le vidéoclip de Demon Host. Capable de communiquer une émotion sincère et brute, cette voix emplie de soul s’avère la grande force de Timber Timbre (prononcez Timber Timber). On croirait y entendre un sage, une vieille âme qui a connu la misère des champs de coton. Nous avons plutôt affaire à un blanc-bec qui a grandi dans la partie rurale d’Oshawa. "Ça m’a pris beaucoup de temps avant de trouver ma voix, confie Taylor. Le blues contemporain me répugnait. Je détestais entendre ces Blancs se prendre pour des bluesmen noirs. C’est lorsque je me suis intéressé au blues plus traditionnel que j’ai commencé à ressentir toute sa puissance. J’ai donc expérimenté pour ne pas sonner comme tous ces bluesmen blancs. Je ne veux pas dire que cette recherche n’était pas naturelle, mais à un certain point, je me suis mis à utiliser ma voix de différentes façons, comme lorsqu’un comédien incarne un personnage. À la limite, ma voix est un déguisement qui, je crois, n’enlève rien à la sincérité de mes textes ou de mes chansons."

Ça, non, Taylor. Elle n’ampute en rien la sincérité de l’album et décuple plutôt l’aspect poignant. Parole de fan.

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