Avec pas d'casque : Vous n'êtes plus seuls
Musique

Avec pas d’casque : Vous n’êtes plus seuls

Entre une épatante nomination à l’ADISQ pour Avec pas d’casque et l’attente d’une réponse pour le financement de son prochain film, Stéphane Lafleur expose la difficulté de maintenir le cap quand on navigue dans le malheur ordinaire avec l’espoir comme destination.

L’art de Stéphane Lafleur, c’est avant tout l’alchimie. Qu’il signe et chante les textes dans Avec pas d’casque ou qu’il écrive et réalise un long métrage comme Continental: un film sans fusil, chaque oeuvre est un aboutissement poétique où l’espoir et l’humour émergent timidement dans le noir.

Avec des matériaux comme la souffrance, la solitude ou le sentiment d’être inadéquat dans un monde de bonheurs inaccessibles sur support plasma full HD, Lafleur conçoit des objets artisanaux, précieux, qui aident à vivre.

C’était le cas sur Trois Chaudières de sang, un premier album country-folk aux textes remarquables, ce l’est encore sur Dans la nature jusqu’au cou, respectueusement salué par la critique, mais aussi par l’ADISQ, qui a mis le trio – complété par Joël Vaudreuil et Nicolas Moussette – en nomination lors du dernier gala dans la catégorie Auteur ou compositeur de l’année.

Un honneur qui, compte tenu du statut relativement confidentiel du groupe, confirme un talent d’écriture rare où se multiplient les morceaux de bravoure et les moments de grâce qui vont droit à l’âme.

"Ça touche les gens, je m’en rends de plus en plus compte, ils viennent nous voir après les concerts, nous expliquent ce qu’ils aiment dans ces chansons-là. (…) C’est gratifiant, et assez paradoxal aussi, parce qu’on touche à des histoires qui ont mal viré, où la lumière est là, mais pas nécessairement facile à voir, et ce qu’on en retire, c’est du positif."

Ainsi, "la beauté trouve son chemin, même dans la laideur", chante Lafleur sur l’enivrante L’amour passe à travers le linge, comme s’il voulait résumer toute sa démarche artistique en une phrase. Reste que pour éviter le naufrage, il faut piloter avec prudence dans la noirceur.

"C’est vrai, il y a un équilibre là-dedans qui est important, mais qui est aussi fragile, abonde l’auteur, compositeur et cinéaste. Et j’en étais moins conscient au début. Si tu prends une chanson du premier disque comme Trois Poches de sucre, ça finit par "j’apprends à t’aimer moins", et pour moi, ça, c’est quelque chose de positif, c’est quelqu’un qui réussit à se défaire de ses fantômes et qui réussit à avancer, mais sur le coup, ça peut avoir l’air négatif…"

Alors Lafleur raffine son approche. Pas pour plaire au plus grand nombre, mais pour établir un dialogue plus clair dont on devine qu’il lui profite aussi. Parce qu’en écrivant des chansons aussi atypiques où d’autres se reconnaissent, il les aide à se sentir moins seuls, mais il se guérit aussi de sa propre solitude, non?

"Oui, c’est un mélange des deux", laisse tomber Lafleur en riant nerveusement, soudainement déstabilisé qu’on aborde les sentiments qui le conduisent là, dans cet espace entre son coeur et celui des autres. "En musique, ce qui est l’fun, c’est de mettre le doigt sur des émotions, des moments… Bien sûr, tout a été dit, mais il y a des façons différentes de prendre les événements, de les nommer, et quand ça se produit, quand tu parviens à attraper ça au moment où ça passe, c’est assez gratifiant. Et quand d’autres sont touchés par ça, c’est vrai, c’est rassurant aussi."

À écouter si vous aimez /
Fred Fortin, Beck, Ween