Daniel Taylor : À contre-jour
Daniel Taylor, une des voix les plus adulées du chant classique des dernières années, étonne. Par son chant certes, mais aussi par ses idées arrêtées à propos de ce qu’est la musique classique et de ce qu’elle devrait être.
Ottavien d’origine, Montréalais de résidence, le contre-ténor Daniel Taylor, par la force de son chant et sa singularité, s’est taillé une place bien à lui sur la scène classique internationale. S’il se permet de vivre de son chant, c’est sans doute parce qu’il n’a d’autres options. En concert ou sur disque, l’auditeur témoin de ce timbre séduisant et de ce phrasé impeccable sautera rapidement à la conclusion que Taylor ne vit que pour chanter et non le contraire. "Ce que je veux faire avec ma vie, c’est de partager la musique avec ceux qui l’apprécient, avec mes amis, admet-il, d’emblée. Parce que dans la musique, il y a l’amour, la joie, la vie, tout est là. C’est magique, quand on est sur scène avec 40 personnes qui jouent et qui chantent, j’ai toujours l’impression qu’on atteint quelque chose de sacré."
Si la musique représente un état de grâce quasi suprême, Taylor ne s’empêche pas d’émettre quelques réserves quant à la situation de cette dernière au Québec et à travers le pays. "Comme dans n’importe quelle sphère de l’industrie, la musique classique vit une crise. Le moment est venu de la repenser. Si un opéra dure trois ou quatre heures, le public trouve ça long et je suis même le premier à le penser… affirme le chanteur de 39 ans. J’ai récemment eu la chance de voir la production de Barbe Bleue par Robert Lepage à Québec et j’ai adoré. Je me suis rendu compte que l’art lyrique avait besoin de personnes comme lui, des artisans qui ont une vision moderne, pour faire évoluer le genre."
Des fêtes régionales comme le Festival de musique de chambre d’Ottawa – "le désintérêt du conseil d’administration fait en sorte que, année après année, le Chamberfest perd de sa qualité" – à l’état du disque classique – "les plus grandes étiquettes comme Deutsche Grammophon, tout comme les musiciens, doivent repenser leurs façons de faire, pour trouver un nouveau public" -, le contre-ténor soutient que la solution réside probablement dans le soutien du gouvernement. "C’est tellement triste d’entendre Stephen Harper parler de la culture du red carpet quand la grande majorité des artistes vit beaucoup de difficultés à cette heure-ci…"
Les orchestres philharmoniques internationaux ont beau se l’arracher, Daniel Taylor tient toujours à donner un appui particulier à des initiatives locales, comme ce sera le cas dans le cadre d’un concert avec l’Orchestre symphonique de Gatineau qui soulignera le 250e anniversaire d’un des rois du baroque, Haendel. "Quand Yves [Marchand, directeur général de l’OSG] m’a appelé, j’ai tout de suite répondu oui! Je trouve que l’Orchestre a fait un travail remarquable en peu de temps", soutient le chanteur, qui connaît le répertoire Haendel sur le bout des doigts. "D’ici la fin de l’année, je vais avoir chanté Le Messie de Haendel 26 fois un peu partout à travers le monde et ça, c’est sans compter les oratorios et les autres spectacles hommages à Haendel. Tout ça pour dire que Haendel a été à mes côtés tout au long de cette année."
À écouter si vous aimez / Bach, Cecilia Bartoli, les airs de célébration