Manu Militari : Manu solo
Manu Militari fait bande à part avec Crime d’honneur.
Noirceur ambiante, intensité tirant sur l’agressivité… On peut reprocher bien des choses à Manu Militari, mais certainement pas de donner dans la formule. Avec Crime d’honneur, son deuxième album fraîchement lancé, le M.C. montréalais mitraille de plus belle ses sombres visions du suicide (Les Âmes perdues), de la morale (Le Bureau), de la loi de la rue (Montréalistan), de l’environnement (Pour chaque goutte de pétrole), alouette… Mais quoi qu’il aborde, il reste toujours à des lieues des rengaines types du hip-hop. Normal puisque, comme il le dit lui-même, il s’identifie de moins en moins à cette culture. "Je ne me considère pas comme un rapper, je ne suis pas un rapper, j’ai à peu près rien en commun avec la plupart des rappers du Québec, tranche Manu. Je ne veux pas défendre cette culture-là ni me l’approprier. C’est pas la mienne. J’ai 30 ans, j’ai une vie, je réfléchis selon un certain système… J’ai l’impression que la plupart des M.C. me prennent pour un cave! J’ai pu 15 ans, j’ai pu envie d’écouter du monde qui veulent me faire rêver en me contant des menteries."
"Quand je veux rêver, j’écoute de la musique moyen-orientale", lance-t-il. Sa fascination pour la culture arabe – qu’il a vue de près à maintes reprises lors de voyages en Égypte et au Soudan – est toujours omniprésente sur Crime d’honneur, autant dans les trames (gracieuseté de Hot Box, Lonik et Sef, à qui il fournit néanmoins les échantillonnages) que dans les textes. Et bien qu’il demeure athée après avoir déjà considéré une conversion à l’islam, le Coran continue de l’inspirer. "C’est drôle mais ça part surtout du côté musical", explique celui qui a été élevé au son du raï par une mère "qui écoutait de la musique de partout dans le monde". "Quand j’entends l’appel à la prière, c’est comme si j’étais en bateau et que j’entendais des sirènes m’appelant à me jeter à la mer!"
Quand il dit qu’il "n’est pas un pacifiste", qu’il parle des faiblesses morales qui le "rapprochent de ben Laden" et de "faire sauter le club comme à Bali", Manu démontre d’abord sa maîtrise de l’art hip-hop du punch line, certes, mais renvoie aussi de facto au côté obscur de certaines factions musulmanes. Il ne le cache pas. "Je pense que le recours à la force est justifié, des fois. C’est une des choses qui me plaisent de l’islam. C’est une religion qui a toujours su se défendre. Pas comme la religion chrétienne qui dit: "Tends l’autre joue." Je ne suis pas trop de cette mentalité-là… Quoiqu’un des personnages que j’admire le plus soit Ghandi…" Contradiction, ici? "Peut-être, oui. Mais je ne fais pas de philo. Je fais de la musique."
L’introduction et la conclusion de Crime d’honneur donnent également lieu à quelques discrètes allusions souverainistes. Manu fait volontairement preuve de retenue sur cette question. "Je suis pour les droits des minorités, partout dans le monde. Culturelles, ethniques… peu importe. Mais je n’appuie pas de parti politique. J’aurais trop l’impression que c’est de la bullshit. Je n’ai jamais vu de parti répondre aux espoirs des gens. Mais je me sens Québécois. Quand tu voyages, tu finis par te sentir proche de tes racines."
Manu Militari
Crime d’honneur
(HLM / Dep)
À écouter si vous aimez /
Sans Pression, Akhenaton, Wu-Tang Clan