Jacques Lacombe / OSTR : Ancrage
Pour les Fêtes, Jacques Lacombe et l’OSTR proposent Rêves d’hiver, un concert en hommage à la saison froide. Une fois de plus, le maestro s’ancre à Trois-Rivières, sa ville natale. Rencontre en direct du New Jersey.
16h. Jacques Lacombe appelle pour la première fois. Il annonce que l’entrevue prévue pour 16h30 sera reportée un peu plus tard. À Newark, au New Jersey, c’est l’heure du trafic, il sera en retard. 16h50, second appel de Jacques Lacombe. Il est arrivé à son appartement. Parti le matin même de Montréal en avion, le directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières (OSTR), qui occupe aussi le poste de directeur musical désigné du New Jersey Symphony Orchestra depuis octobre, souffle un peu. "Je suis pas mal occupé", rétorque-t-il. Jacques Lacombe a beau avoir un horaire de fou entre Trois-Rivières, l’Europe et les États-Unis, il prend le temps qu’il faut pour parler de l’OSTR et de Rêves d’hiver, le prochain concert qu’il présentera le 12 décembre à la salle J.-Antonio-Thompson.
RÊVES D’HIVER
Préparer année après année un concert de Noël pourrait sembler quelque peu ennuyant et monotone pour certains. Pas pour Jacques Lacombe. "Moi, j’aime beaucoup le répertoire de Noël, affirme-t-il tout de go. C’est sûr qu’en raison de l’aspect commercial de Noël, des fois, quand on arrive aux Fêtes, on a une espèce d’overdose de chants de Noël, parce qu’on entend ça partout. Là, je ne sais pas comment c’est chez vous [au Québec], mais comme j’étais à Monaco au cours des derniers mois, je n’ai pas eu ce problème-là encore."
Cette année, il a voulu faire "quelque chose d’un petit peu différent", comme il le dit lui-même. Au lieu de mettre les chants et les pièces traditionnels de Noël à l’avant-plan, il a décidé de concocter un concert autour du thème de l’hiver. Au programme: la Symphonie no 1 en sol majeur, Rêves d’hiver, opus 13 de Tchaïkovski, Le Voyage d’hiver de Schubert, la Symphonie des jouets en do majeur de Haydn, quelques chants des Fêtes et le Concerto no 1 pour piano et orchestre en mi bémol majeur de Liszt. Pour ce faire, le chef et ses musiciens accueilleront le choeur de 70 enfants de l’école Val Marie de Trois-Rivières, en plus de la basse Jean-Marc Sigmen (pour Schubert) et du pianiste Simon Larivière, lauréat du dernier Concours annuel de l’OSTR (pour Liszt).
Mais ce n’est pas tout. Pour cet événement, le maestro proposera une facture de son cru, inspirée de ses années de formation à Vienne et de l’époque de Beethoven. Les quatre mouvements de la symphonie Rêves d’hiver de Tchaïkovski seront répartis sur l’ensemble du programme, plutôt que d’être joués de façon consécutive, d’un même souffle. Jacques Lacombe explique: "On va faire le premier mouvement. Après ça, il va y avoir une pièce de Schubert et la Symphonie des jouets. On va faire le deuxième mouvement. Après ça, ce sera le Concerto pour piano, le troisième mouvement et ainsi de suite."
TROIS-RIVIÈRES TATOUÉ SUR LE COEUR
Jacques Lacombe étant enraciné dans son Trois-Rivières natal, il se veut, depuis ses débuts comme directeur artistique à l’OSTR, un leader dans sa communauté. Il tend la perche aux institutions de la région et donne une place aux artistes d’ici. Cette fois-ci, il s’est fait un plaisir d’inviter l’école Val Marie. Pourquoi celle-là? "C’est l’école où j’ai fait mon cours primaire, indique-t-il. C’est là que j’ai commencé à faire de la musique moi-même. Ça va être émouvant de retrouver sur scène des enfants qui occupent les bancs d’école que j’ai occupés quand j’avais leur âge. Ça va être le fun."
Le maestro sait aussi semer. Il y a une vingtaine d’années, il était l’accompagnateur d’une classe de chant à laquelle participait comme étudiant Jean-Marc Sigmen, la basse originaire de Shawinigan-Sud qui interprétera Le Voyage d’hiver de Schubert, une pièce jouée pour la première fois par l’OSTR. À la suite des conseils de Jacques Lacombe, Sigmen a poursuivi sa formation en chant à Vienne. "Quand on sème quelque chose, quand on aide quelqu’un, on ne sait pas ce que ça peut rapporter, avoue humblement Jacques Lacombe. Et aujourd’hui, Jean-Marc, c’est quelqu’un qui rayonne dans la région. C’est important d’avoir dans notre région des talents qui sont capables de nourrir et d’alimenter la vie culturelle. J’essaie aussi de contribuer et d’encourager ces gens-là."
Pour lui, un orchestre comme l’OSTR se doit d’être ancré dans sa communauté. "On a une vocation à assumer dans le milieu. On a aussi pour rôle d’être le moteur de la vie musicale, de la vie culturelle en Mauricie", en plus d’être un joueur important sur le plan économique.
DEUX ORCHESTRES DE FRONT
Cet engagement, cette vision-là, Jacques Lacombe les transportera avec lui au New Jersey Symphony Orchestra où, dès septembre 2010, il sera le directeur musical pour les trois prochaines années. Présentement, il s’affaire à planifier la prochaine saison… tout en cherchant un endroit où loger. Le maestro a besoin de prendre le pouls de la ville où il travaille, de sentir les gens, d’y vivre, au moins 12 semaines par année.
En même temps, il garde la barre de l’OSTR. "Je sens que là, je commence à récolter le fruit des efforts que j’ai investis avec l’orchestre au cours des trois dernières années. Je sens aussi un attachement affectif et moral envers ma ville. Alors, tant et aussi longtemps que je vais être capable de continuer de maintenir mes activités à Trois-Rivières et qu’on voudra bien de moi là-bas, je vais continuer de le faire."
Pour l’instant, il a des projets en tête, dont des collaborations entre ses deux orchestres. Inviter des solistes à jouer ici et là-bas, faire un échange de musiciens entre les deux ensembles, les réunir pour réaliser une grosse production ne sont que quelques exemples. L’ouverture est là, des deux côtés. Et le maestro est heureux. Trois-Rivières n’aura jamais trouvé aussi grand ambassadeur.