Claire Pelletier : Fêter en grand
Musique

Claire Pelletier : Fêter en grand

Claire Pelletier vient dans la région afin de nous présenter Le Premier Noël, en compagnie de l’Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

À une époque où faire carrière dans la chanson relève pratiquement du sacrifice et de l’ultra-simplicité volontaire, Claire Pelletier peut dire qu’elle est à contre-courant en ce qui concerne son spectacle Le Premier Noël. La chanteuse nous dresse un tableau de cette triste réalité: "De nos jours, c’est bien beau les grandes salles, mais ce n’est pas évident de les remplir. Le jeune public n’a pas du tout les moyens et souvent, les diffuseurs deviennent très prudents. On se contente donc de jouer dans les plus petites salles avec des formations musicales un peu plus réduites, mais c’est dans l’air du temps. Avec cette série de spectacles qui fait suite à mon album de Noël, j’ai donc la chance de me retrouver avec une grande quantité de musiciens sur scène."

Quand Claire Pelletier nous parle de beaucoup de musiciens, il s’agit en fait d’un orchestre symphonique, et ici, ce n’est pas une figure de style. Instaurée à l’origine par Jacques Lacombe de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, la version symphonique de l’oeuvre de Claire Pelletier était censée demeurer une histoire d’un soir. "Lorsque Lacombe a fait la commande, trois arrangeurs se sont prêtés au jeu: Marc Bélanger, Gilles Ouellet et mon conjoint, Pierre Duchesne. Aussitôt ces arrangements terminés, on a réalisé que le plus grand obstacle avait été franchi et qu’à partir de ce moment, il allait être beaucoup plus facile de jouer ce spectacle avec d’autres orchestres."

On devine que ces spectacles symphoniques font le bonheur de Claire Pelletier, mais elle est bien loin d’être la seule à s’en réjouir. "Il y a beaucoup de musiciens qui sont très contents de jouer ce nouveau répertoire. En plus, on y trouve beaucoup d’arrangements de cuivres et de bois. Certains instruments comme le cor français sont parfois un peu délaissés dans les arrangements contemporains; là, ils ont droit à plus de place. Il y a même certains musiciens qui viennent me voir pendant les répétitions pour me remercier de leur donner autant de notes à jouer!"

Si Claire Pelletier peut placer le terme nouveau répertoire dans la même phrase que disque de Noël, c’est que le matériel auquel elle s’est attaquée est plutôt marginal. À la différence des classiques comme Vive le vent et Minuit chrétiens, les chansons que l’on trouve sur Le Premier Noël proviennent d’un répertoire méconnu de la culture contemporaine. "Lorsque je me suis rendue en France, j’ai pris connaissance de ces chansons profanes perdues. En fait, j’ai fait un tas de belles découvertes, comme Laissez paître vos bêtes, qui est ensuite devenue Venez divin Messie, que nous connaissons tous. C’est la chercheuse en moi qui avait envie de se faire plaisir en partant à la découverte de tous ces trésors perdus. Et si je me suis ensuite lancée dans l’enregistrement de ces chansons, c’est parce que ça me tentait. Je ne voulais voir personne d’autre s’en occuper. Il n’y avait aucune intention mercantile."

Ce sera le chef invité Airat Ichmouratov qui dirigera l’Orchestre symphonique du Saguenay-Lac-Saint-Jean à l’occasion de ce concert plutôt spécial. D’origine russe, Ichmouratov a fait une grande partie de ses études musicales à Montréal et il a été invité à plusieurs reprises à tenir la barre de différents orchestres tout autour du monde. Chef en résidence des Violons du Roy de Québec, Ichmouratov fait donc un petit détour par le Saguenay afin d’ajouter à la magie de l’événement. Claire Pelletier affiche un grand enthousiasme à l’idée de rencontrer cet invité unique: "Je suis bien curieuse de voir l’approche qu’il fera de ces orchestrations et de mes chansons en tant que chef. C’est plutôt excitant!"

Bien que Claire Pelletier ait beaucoup de plaisir à donner ces concerts à grand déploiement, il reste qu’elle a bien hâte de revenir sur les planches dans un contexte un peu plus modeste afin de défendre les chansons de son nouvel album, Six (voir encadré). "C’est quand même drôle de penser à ça pendant qu’on a la chance extraordinaire de jouer avec tous ces orchestres et ces grands ensembles, mais ça fait partie de la réalité de la création."

À écouter si vous aimez /
La magie de Noël et les arrangements symphoniques

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TOUT EST CHAOS

Avec Six, Claire Pelletier souligne ses 30 ans de carrière de manière céleste grâce à des textes engagés et à des ambiances renouvelées qui nous transportent de l’Islande à l’Asie. "Je me suis toujours lancé des défis dans la création. Quand je fais le bilan, c’est de mes chansons que je suis le plus fière, résume l’artiste. Dans les premiers albums, j’étais plus une raconteuse d’histoires, mais il y a toujours eu une préoccupation pour un certain message." La différence est que cette fois, avec Six, un disque engagé, contemporain et surprenant, l’interprète se trouve au coeur des propos de ses chansons; exit les personnages historiques ou fictifs. "C’est moi qui porte un regard sur le monde. C’est ce qui me préoccupe, ce qui m’indigne. Il y a des textes assez lourds, mais musicalement, on a allégé tout ça."

Sur la pochette, une corne d’abondance n’est pas remplie des traditionnelles victuailles, mais de branches séchées. Voilà qui évoque le thème principal de cet album: le désenchantement. "Six, c’est le sixième album, mais c’est aussi parce que j’aborde la sixième extinction. En creusant la thématique, je suis tombée sur un article abordant ce sujet. Les scientifiques dénombrent cinq extinctions sur la Terre. Chaque fois, 95 % des êtres vivants ont péri d’une cause qui n’était pas humaine. Or, la sixième risque d’être provoquée par l’homme."

Le concept autour du six a pris encore plus d’importance par l’écriture de la chanson-titre, qui s’est faite à relais, avec l’intervention de différents paroliers. Le projet est parti d’une boutade lancée lors d’un souper entre amis. "Au retour à la maison, je me disais que ce n’était pas bête", raconte Claire Pelletier, qui a commencé le texte. "J’ai lancé "Je te dirai six fois je t’aime / Dans les matins d’un nouveau monde" et je l’ai envoyé à Michel X Côté. Il m’a retourné trois phrases et j’en ai choisi une. Après, j’ai envoyé le tout à Marc Chabot pour qu’il poursuive et ça s’est continué comme ça." Gaële et Monsieur Mono ont pris le relais et c’est Sylvie Massicotte qui s’est chargée de la chute.

Au final, ce texte sur la disparition prochaine de l’homme est une chanson d’amour. "Je ne voulais pas d’une chanson catastrophe. Je désirais exprimer que peu importe ce qui arrivera, c’est l’amour qui va triompher, que c’est plus fort que tout. J’y crois." (Matthieu Petit)

Claire Pelletier
Six
(Disques Ouïe-Dire / Select)