Revue 2009 / Musique : L'année du recyclage
Musique

Revue 2009 / Musique : L’année du recyclage

Au coeur de l’oeil du cyclone numérique, l’industrie de la musique cherche encore une solution pour redresser les ventes d’albums. Faute d’idées fraîches, on recycle.

Québec, terre promise des reprises

Impossible de ne pas commencer ce bilan de l’année 2009 sans aborder le phénomène des albums de reprises et/ou de duos. Comme l’expliquait récemment mon collègue David Desjardins, ce n’est pas tant la recette archimercantile visant à faire du neuf avec du vieux qui exaspère, mais plutôt "la répétition jusqu’à l’accumulation".

Au cours des derniers mois, Dan Bigras, Sylvain Cossette, Marjo, Jean-Pierre Ferland, les Lost Fingers, Yves Lambert, Isabelle Boulay, Boom Desjardins et Garou ont tous adopté la recette ramenée au goût du jour par Paul Dupont-Hébert avec Duos Dubois lancé en 2007. Ce qui frappe en regardant cette liste d’artistes, c’est qu’outre les Lost Fingers, on parle ici de figures importantes de l’industrie dite plus "commerciale" qui ont bien connu les belles années de vaches grasses, avant que le disque d’or passe de 50 000 à 40 000 exemplaires vendus. Comme s’ils étaient incapables d’écouler avec succès leurs nouvelles compositions, et que recycler le vieux catalogue, celui qui a fait ses preuves, devenait la solution pour remplir les coffres.

La seule bonne nouvelle dans ce raz-de-marée: ces albums auront drainé bon nombre de mélomanes chez les disquaires en cette époque de crise économique et d’échange de fichiers musicaux. Mais encore là, vaut-il mieux avoir une industrie très rentable, mais sclérosée, prise dans le passé, ou une industrie au profit moindre qui innove et prend des risques? À long terme, la deuxième option me semble la meilleure. Tant que les Malajube, Dumas, Daniel Bélanger, Yann Perreau, Mara Tremblay, Marie-Pierre Arthur, La Patère Rose, Karkwa, Vincent Vallières, Jean Leloup, Bernard Adamus, Fred Fortin et Coeur de Pirate continueront de voir la musique comme un art, et non un produit, l’avenir est sauf.

2009 a aussi été marquée par quelques scandales et commotions: L’Autre St-Jean et ses artistes anglophones, la guerre des festivals à propos du changement de dates des FrancoFolies de Montréal, l’hypocondrie de Claude Dubois, les photos de Coeur de Pirate… Au final, bien du bruit pour pas grand-chose.

Je m’en voudrais de terminer ce bilan Québec 2009 sans saluer le courage de la chanteuse et comédienne Chloé Sainte-Marie – quel noble combat! – et celui d’Éric Lapointe qui, après un solide avertissement, a réussi un changement de vie drastique, celui que trop d’hommes refusent d’entreprendre. Puisse-t-il terminer sa tournée du temps des Fêtes sans retomber dans les vieilles habitudes.

La quête du son avant le "songwriting"

Du contingent d’albums parus à l’étranger cette année, se dessine une grande tendance: la quête du son prime aujourd’hui sur la composition. En misant sur des productions canon qui en mettront plein les oreilles (U2, Jay-Z, The Killers, Michael Bublé, Guns N’Roses et son retour raté) ou en étant obsédés par un son qui se distingue (Yeah Yeah Yeahs, Girls ou le surestimé Animal Collective), trop de musiciens semblent avoir oublié l’essentiel: une bonne mélodie. Tu as beau avoir trouvé un son d’enfer, si tu n’as pas de bonnes chansons, le résultat ne sera jamais efficace. Voilà ce qu’ont compris La Roux, Patrick Watson, Clues, Timber Timbre, Phoenix, The Flaming Lips et même Lady Gaga, la nouvelle sensation de la scène pop mondiale qui pleure toujours la mort de Michael Jackson.

Le décès de Michael Jackson aura aussi révélé toute la soif monétaire d’une industrie musicale en déroute – même le Virgin Megastore sur Times Square est fermé. Des centaines de produits dérivés à l’effigie de Jackson, un film, des dizaines de livres et un disque-compilation ont fait leur apparition sur le marché dans les quatre mois suivant la mort du King of Pop. Le corps était encore chaud.

L’avenir…

Cela dit, 2009 indique que la commercialisation de la musique passera par l’écoute en ligne (le streaming). L’après-CD, il est là. D’ici quelques années, des millions de mélomanes paieront des frais mensuels pour écouter ce qu’ils veulent, partout, grâce à un téléphone intelligent connecté à une base de données via le réseau 3G. Déjà, Spotify (seulement pour l’Europe, quel dommage) et Deezer offrent des services payants très efficaces. Je ne sais pas pour vous, mais je serais prêt à débourser 20 $ par mois pour écouter n’importe quel album sans avoir à chercher le torrent qui a le plus de "seed".

Sur les planches

Les Montréalais auront fait connaissance avec trois nouvelles aires de spectacles en 2009. Inaugurée en grande pompe par un concert de Stevie Wonder lors de la 30e édition du Festival International de Jazz de Montréal (on a dû fermer le site tellement il y avait de monde), la Place des festivals est un bel atout pour le Quartier des spectacles. Située dans la Maison du Festival, la salle L’Astral profite d’une bonne acoustique, d’une ambiance intime et de l’expertise des meilleurs producteurs de spectacles jazz en ville: les organisateurs du FIJM. De quoi assurer à L’Astral un avenir plus prometteur que celui de la nouvelle salle d’eXcentris, qui peine encore à satisfaire les spectateurs. La trop longue file d’attente au bar, les ressources de bières limitées et la mauvaise vue depuis les deux paliers, malgré une scène plus haute, auront sapé le moral de nombreux fans de Fred Fortin le 12 décembre dernier. Mais ne perdons pas espoir, tant que le son d’eXcentris sera bon, le potentiel y sera.