Bruno Rodéo : Le dernier cowboy
Musique

Bruno Rodéo : Le dernier cowboy

Après deux ans d’attente, voilà que les fans de Bruno Rodéo sont comblés avec la sortie du disque Envoye par là!

Le 15 décembre 2007, Bruno Rodéo lançait un album qui allait remporter un succès plutôt important sur la scène locale. Recueil de huit chansons, Tain fut enregistré en deux jours seulement. Depuis sa parution, des dizaines de concerts qui ont eu lieu un peu partout dans la région ont attiré de nombreux fidèles et des chansons comme Clair de lune ou Mon Panel ont trouvé une place sur de nombreux iPod.

Deux ans plus tard, Bruno Rodéo réplique avec un nouvel album, intitulé Envoye par là! À la différence de son prédécesseur, le dernier-né aura bénéficié de plusieurs mois de travail. Prise de son impeccable, arrangements peaufinés, voix léchées et mastering de qualité, tout y est afin qu’on considère ce disque comme un grand produit n’ayant rien à envier aux autres productions professionnelles.

Le chemin qui aura mené l’artiste issu de la scène punk-rock jusqu’à ce disque est plutôt insolite. Rien ne laissait vraiment supposer que celui qui chantait à l’origine pour la formation Les Revolvers effectuerait un tel virage musical. Bruno Rodéo nous explique sa conversion: "Je suis sorti avec une fille qui avait resté à Calgary pendant un an. Elle se tenait beaucoup avec des gars qui écoutaient du rockabilly et qui étaient ouverts au country. Moi, j’étais beaucoup plus dans le punk pis le rock, mais à un moment donné, ça m’a donné le goût de m’intéresser à la source de tout ça. Il fallait que je cherche d’où ça vient. J’ai écouté beaucoup de vinyles, mais ce qui m’a vraiment allumé, ça a été Bobby Hachey et sa guitare. Je sortais à l’oreille des solos de n’importe quoi, même des solos de heavy metal, pis il y avait des affaires de Bobby Hachey que j’étais pas capable de jouer. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose là."

Le passage au country avait donc mené Bruno à faire paraître un album impressionnant nommé Just for Fun en 2003. Le rock l’a alors rattrapé avec la fondation du groupe Les 57, mais le country, rusé comme un renard, avait d’autres plans pour Bruno. En effet, il allait se servir du rock afin de le rapatrier: "Au départ, je voulais demander de l’argent aux gens pour financer un disque de rock pis Tain, ça a été comme un moyen de leur donner quelque chose en échange. Je voyais pas plus loin que ça et je ne pensais surtout pas retomber dans le country. L’album était supposé être juste un élément promotionnel pour financer un album de rock que je voulais enregistrer. J’ai fait environ 800 copies de Tain. C’est moi qui les faisais imprimer et je les gravais toutes sur mon ordi. Je les faisais toujours par batches de 150. Je peinturais les CD avec un pochoir dans le garage. C’est drôle parce que cette semaine, j’ai réécouté Tain malgré moi. On était dans un party de famille du bord de ma blonde. L’album a joué trois ou quatre fois pis je me suis comme surpris à me dire que c’était bon. J’aime bien l’aspect brut et broche à foin de cet album-là."

Pour un album qui n’avait pour seul objectif que de justifier un financement, un tirage de 800 copies est plutôt unique. N’ayant bénéficié d’aucun soutien radiophonique et médiatique, Tain peut être considéré comme un succès commercial. Devant une telle remarque, Bruno reste humble et y voit plutôt le résultat d’une conjoncture d’éléments favorables: "Avec le country, on dirait qu’on va toucher une petite corde sensible chez les gens. On va chercher un public très large. On ramasse autant les matantes que les vieux punks finis. À quelque part, c’est vrai qu’on rocke, mais il y a aussi un public qui me suit de quand je rockais dans le temps. Il y a une espèce de respect du pseudo-rocker. J’ai touché au rockabilly aussi et j’ai pas décidé du jour au lendemain de jouer du country."

Au sujet des textes du disque Envoye par là!, Bruno Rodéo nous explique leur raffinement en comparaison de certaines chansons de Tain, comme celle qui portait le titre très éloquent de L’Île du monde qui s’en câlisse: "Je suis un gars de construction pis le monde avec qui je me tiens, ça sacre souvent. On avait fini par faire un peu la même chose dans nos chansons sauf qu’à un moment donné, il y a un gars qui nous avait dit que c’était dommage parce qu’il aimait ben Tain, mais qu’il pouvait pas l’écouter dans le char avec ses flots à cause des sacres. Il disait qu’on n’avait pas besoin de ça et que les tounes étaient bonnes. Ça m’a fait ben réfléchir et finalement, je me suis dit qu’il avait raison."

Le cowboy relève si bien ce défi qu’il réussit à éviter les gros mots même lorsqu’il adresse une chanson à la personne qui lui a volé sa guitare: "C’est le genre de toune que quand c’est arrivé, j’étais tellement fâché. J’étais au McDonald’s avec Dany pis quand je me suis rendu compte que je m’étais fait voler ma guitare dans mon char, je me suis dit que c’était sûr qu’un jour j’allais finir par faire une toune là-dessus. Ça mûrit lentement dans ton subconscient et tu penses même pas à ce que tu vas dire. À un moment donné, j’étais à l’hôpital avec mon petit bébé pis comme je suis un gars qui n’arrête pas, qu’est-ce que tu penses que je fais quand j’ai rien à faire à l’hôpital? Je me suis mis à penser à ce que j’allais pouvoir faire comme paroles pour cette toune-là pis ça a sorti de même. Ffffrrrraaakkk! Je l’ai composée d’une claque! Ça faisait plusieurs mois que c’était arrivé et là, j’étais dû."

On peut dire d’Envoye par là! qu’il s’agit d’un album de party. La plupart des chansons sont entraînantes et lorsqu’il est question de drames (Ma Vieille Guitare), le ton employé est généralement amusant. En écoutant la pièce qui porte le nom du chanteur, on devine immédiatement que les textes sont directement inspirés de sa réalité. Étonnamment, même une chanson comme Planche à gaz nous en apprend davantage sur Bruno Rodéo: "Je suis un gars qui va tout le temps jusqu’au bout de ses affaires et quand j’ai une idée dans la tête, tant que je ne la fais pas, je dors pas pis je mange pas jusqu’à tant que ce soit fini. Quand j’ai décidé de me lancer dans Envoye par là!, ça a été comme trop de choses à faire d’une seule claque. L’enregistrement, la préparation pis tout le kit. Comme je travaille pis que j’ai une famille, c’est venu que tous mes temps libres, c’était juste pour la musique. C’est le fun mais à un moment donné, tu as envie de faire quelque chose juste pour toi. C’est pour ça que j’ai fini par m’acheter une planche à gaz. Chaque fois que j’avais un peu de lousse cet été pis qu’il faisait beau, je partais au chalet pis je faisais de la planche à gaz. Je m’en suis acheté une autre et là, je m’amuse à la modifier."

Les projets à venir pour Bruno Rodéo sont donc très variés. Avec Envoye par là!, peut-être réussira-t-il à enfin se tailler une place dans le circuit des festivals country? Peut-être aussi le verrons-nous dans des émissions de télévision vouées à ce genre musical très particulier? Une chose est certaine, si Tain s’est rendu dans la discothèque d’autant d’amateurs de musique, il faut croire qu’Envoye par là! en séduira aussi plusieurs. D’ici là, Bruno ira défendre son disque en compagnie de ses Routiers (Pascal Beaulieu, Dany Lemay, Sébastien Maltais) un peu partout dans la région, et gageons que l’énergie qu’ils dégagent sur scène élargira encore davantage leur public. Et quoi qu’il advienne, quand le chaud soleil d’été se pointera, si jamais vous apercevez un cowboy glisser sur l’eau, ce sera Bruno Rodéo sur sa planche à gaz.

À écouter si vous aimez /
Cayouche, Gildor Roy et Johnny Cash