Pierre Dufour et Michel Beaulac : Carburer à la passion
Musique

Pierre Dufour et Michel Beaulac : Carburer à la passion

Le directeur général de l’Opéra de Montréal, Pierre Dufour, et son directeur artistique, Michel Beaulac, célèbrent les 30 ans de la maison avec un optimisme renouvelé.

L’Opéra de Montréal a connu des hauts et des bas ces 30 dernières années, on le sait. L’année 2006 a sans aucun doute été l’une des pires, financièrement parlant, alors que le directeur artistique Bernard Labadie quittait son poste en raison de ses difficultés à harmoniser ses plans de programmation avec les états financiers de la compagnie. Quelques jours après sa démission, le conseil d’administration de la compagnie annonçait le licenciement de 60 % de ses effectifs!

L’équipe qui est restée à bord a dû mettre les bouchées doubles, ainsi, le directeur de production (depuis 2000) Pierre Dufour devenait aussi directeur général en 2006, et l’administrateur artistique Michel Beaulac, qui est passé par tous les postes depuis 1989, a pris la relève à la direction artistique après le départ de Labadie. Dufour explique: "Depuis, nous avons ajouté deux "Gaulois", et nous sommes maintenant 14 employés. Parce que, à partir du moment où le déficit a été résorbé, nous sommes revenus à cinq productions par année."

On comprend qu’à 14 pour faire rouler une pareille boîte, les "Gaulois" ne comptent pas trop leurs heures. "Notre modèle organisationnel n’a pas vraiment de comparable, acquiesce le directeur général; nous travaillons beaucoup en collégialité, c’est beaucoup lié aux individus qui sont là, maintenant, et à leur volonté individuelle de se dépasser." Beaulac ajoute: "C’est moins un modèle de gestion qu’un modèle de passion, d’engagement."

L’équilibre budgétaire, bien sûr, c’est important, mais la moisson est encore plus généreuse. Le directeur artistique poursuit: "Nous sommes aussi les chanceux qui récoltent ce que l’Atelier lyrique a semé depuis 25 ans, et qui a aussi poussé dans les autres organismes de formation. L’intérêt pour le chant s’est beaucoup développé chez nous durant ces années, on le voit avec notre projet Apéro à l’opéra, notre gala [80 % de voix québécoises] et la composition de nos saisons, à 80 % canadiennes. Il y a un alignement d’étoiles à souligner!"

Star-système

Comme on envie toujours l’assiette du voisin, je fais part aux directeurs du dépit d’une grande partie des amateurs de voir Robert Lepage ou François Girard proposer des créations à Toronto, mais pas chez nous. "Je dirais, explique Beaulac, que nous jouons dans une autre tonalité, et que ce que nous tentons de faire, c’est d’être le tremplin des Robert Lepage de demain. Nous intégrons les créateurs montréalais et nous développons un "star-système" avec les voix de chez nous [pensons à Marc Hervieux, à Marie-Josée Lord, etc.]. Nous voulons que le public accède à nos salles, quels que soient son revenu, son âge ou sa provenance, mais nous voulons aussi que nos chanteurs accèdent à la scène."

Parmi les activités soulignant le 30e anniversaire, on annonce la parution d’un disque enregistré lors du dernier gala de l’Opéra et, bien sûr, la télédiffusion, sur ARTV à compter du 26 janvier, de la série documentaire réalisée à partir de l’activité Apéro à l’opéra. "Il y a eu de gros changements ces cinq dernières années, lance Beaulac. Des projets, de la sensibilisation, des efforts de démocratisation, ça a été comme une transition vers la saison actuelle, durant laquelle on peut célébrer le fait que la compagnie soit aujourd’hui en bonne santé financière et artistique et qu’elle a des projets d’avenir."

ooo

Tosca – 30 ans plus tard

Ce fut la toute première production de l’Opéra de Montréal, et revoilà l’oeuvre de Puccini pour célébrer les 30 ans de la compagnie. On ne s’en plaindra pas! On a vu Tosca pour la dernière fois à l’Opéra de Montréal en 2002, dans une version dont l’action avait été transposée en pleine Deuxième Guerre mondiale. Cette fois-ci, on nous promet une version bien classique, produite par le San Diego Opera. La mise en scène a été confiée à Michael Cavanagh (qui signait celle de Madama Butterfly en 2002, pas en 2008, comme je l’écrivais la semaine dernière; mes excuses à Moffatt Oxenbould, qui signait celle-là). Le directeur artistique Michel Beaulac est fier du spectacle qu’il nous propose: "La soprano Nicola Beller Carbone est exceptionnelle dans le rôle-titre; ce n’est pas simplement une chanteuse d’opéra, c’est aussi une tragédienne lyrique, le jeu théâtral est primordial pour elle. Elle fait penser à Maria Callas." Rien de moins!

C’est un rôle bien noir que celui de Floria Tosca, célèbre cantatrice amoureuse d’un peintre, mais que convoite le méchant Scarpia, chef de la police, qu’elle finira par poignarder. C’est le baryton-basse américain Greer Grimsley qui se glisse dans la peau de ce dernier. "Quand il entre en scène, poursuit Beaulac, c’est toute la police de Rome qui entre en scène! Il est terrorisant!" Annie Sanschagrin, gagnante du concours Apéro à l’opéra, montera sur scène après la représentation de la générale pour chanter le duo du premier acte avec le ténor David Pomeroy (Cavaradossi) et l’air célèbre Vissi d’arte, le tout en costume, avec l’appui de l’Orchestre Métropolitain et du chef Paul Nadler et, bien entendu, dans les décors de Jean-Pierre Ponnelle. Elle le fera également après la dernière représentation.