Creature : Les insomniaques s'amusent
Musique

Creature : Les insomniaques s’amusent

Avec Creature, la pop prend des airs d’hydre folle à quatre têtes… Deux ans après la parution d’un premier gravé intitulé No Sleep at All, où en est la bête? Petit bilan avec les filles du groupe, qui sera en spectacle à Trois-Rivières samedi soir dans le cadre des Nuits polaires.

C’était il y a cinq ans. Dans le réseau de la scène locale montréalaise, il n’y avait pratiquement pas moyen de mettre le pied dans une salle sans tomber sur Creature. Ils jouaient en première partie d’autres groupes et lors d’événements consacrés aux artistes émergents comme le Pop Montréal. On pouvait, à l’époque, se procurer un EP de quatre tounes cousu de fil rouge, à la main, et qui comprenait notamment Last Days of America.

Dès le départ on a compris qu’il serait difficile de résister au charisme de ces bêtes de scène explosives. Capter puis rendre l’énergie du live sur album allait constituer un défi. Et cet album a mis du temps à voir le jour… "Oui, en effet, le défi était de taille", confirme la fougueuse CowBella, chanteuse décomplexée au regard de braise. "Ça a été long… On était pauvres et on tenait à rester indépendants. Tout en travaillant chacun de son côté, on a enregistré l’album de nuit, entre minuit et cinq-six heures du matin… On voulait rendre l’énergie du live, mais on s’était habitués à jouer devant une petite foule enthousiaste plutôt qu’en regardant un mur et un piton rouge clignoter quand ça enregistre! C’était pas à notre goût, on a tout réenregistré en invitant, cette fois, des amis pour qu’il y ait un peu plus d’ambiance en studio…"

D’interminables négociations avec une maison de disques ont suivi. "Avant de rencontrer les bonnes personnes, on a été approchés par les représentants d’un major, quelque chose d’assez gros. À un moment, on s’est rendu compte qu’ils essayaient de nous dire quoi faire. C’est important pour nous de garder le contrôle de notre musique et de notre image…" Recruté par Bonsound, Creature a ensuite retenu l’attention de Universal, s’assurant ainsi une large distribution dans différents marchés. Qu’on se le dise: tout aussi pop qu’il le soit, le quatuor montréalais est une créature indépendante qui veut pouvoir continuer à ruer dans les brancards.

QUI A PEUR DE LA POP?

On les a vus jouer en première partie de Mika au Centre Bell et dans quelques autres salles canadiennes. Le Rolling Stone français vient de les loger dans la lignée Scissor Sisters-Blondie-B-52s. Que pensent les principaux intéressés de cette filiation? "La pop est un monstre immense et fou qui vient à nous sous différentes formes… Prenons Prince, les Talking Heads et David Bowie, par exemple. Ces artistes ont toujours su préserver leur intégrité; ils ont carrément transcendé les genres. Pour moi, pop, ça veut aussi dire que les chansons sont catchy, qu’elles te restent en tête." Méli Mae, bassiste groovante d’abord empruntée à Kim Bingham, a rejoint le groupe à l’automne 2008. Elle précise: "On n’a pas de problème avec le fait d’être comparés à ces artistes, mais on ne s’inspire pas d’eux et on n’écoute pas leur musique…"

Petite anecdote: un soir, Debbie Harry – chanteuse de Blondie – se pointe, comme ça, à un concert de Creature chez nos voisins du Sud. "Certains critiques nous reprochaient de trop sonner comme elle; on est devenus super nerveux en apprenant qu’elle serait sur place, se souvient CowBella. Eh bien, elle est venue nous serrer la main après le concert en louangeant notre authenticité et le lendemain, dans le New York Magazine, elle a écrit qu’on était un band punk! C’est drôle, non? Debbie Harry pense qu’on est punks!"

ÉPOPEE POP

"Je suis arrivée dans le groupe un peu avant que ça décolle, juste au bon moment", jubile Meli Mae, les yeux pétillants. "Il y a eu les Transmusicales de Rennes, l’émission Taratata, le South By Southwest, une virée en Chine, les grands stades du Mexique… Je n’aurais jamais pensé jouer devant 90 000 personnes cette année-là!" s’étonne-t-elle, encore un peu abasourdie.

En février 2010, No Sleep at All fera danser l’Europe francophone. "Oui, l’album n’est pas encore lancé là-bas. On va y consacrer une partie de notre année (promo et tournées), envisage CowBella. Quant aux États-Unis, ça n’a pas encore levé. On n’y a pas fait de tournée non plus, c’est pas quelque chose qui nous obsède. Peut-être que ça viendra au deuxième album, on verra", raconte la charismatique chanteuse qui a passé une bonne partie de son adolescence à étudier… l’opéra à McGill pour faire suer ses parents! "Mes parents jouaient dans un band rock: The Haunted. Me tourner vers l’opéra a été pour moi une façon de me rebeller… Ça a duré un bon cinq ans, jusqu’à ce que je me tanne."

Grosse année en vue, donc, pour la créature. Surtout qu’à travers tournées et spectacles autour du monde, le quatuor voudrait retourner en studio afin d’enregistrer une suite à No Sleep at All. "On aimerait dénicher LE bon réalisateur, la perle rare qui nous aiderait à bien canaliser nos forces, parce que quatre têtes, c’est aussi quatre visions différentes. Des fois ça prend quelqu’un pour trancher. Les Clash avaient trouvé un réalisateur pour les amener à se dépasser. Il leur lançait carrément des chaises et de l’eau pour que l’énergie soit là en studio!" dit CowBella, presque envieuse. "Hé! Pas d’eau sur mon gear, s’il vous plaît", blague Meli Mae.

Ce qui contribue au succès de Creature, ce qui fait lever la pâte, c’est la chimie entre ses membres. Qu’ont-ils en commun? CowBella: "De l’humour, une certaine confiance en soi, le respect des différences des autres. Kim est un loup solitaire passionné de blues qui aime méditer; Sid Z, ancien Me Mom and Morgentaler, est plus latin, amateur de punk-pop; moi j’aime le hip-hop old school, la façon dont on peut faire résonner les mots en rapant; quant à Meli Mae, elle vient de Sorel, elle aime le folk et le rock, ses goûts sont éclectiques. On est tous très différents, mais on a développé une chimie cool qui électrifie le band!"

En spectacle, la bête est dans son élément. "C’est un aboutissement, une délivrance; on libère l’énergie", dit Méli Mae. "Quand je monte sur une scène, je pense comme les hommes préhistoriques", conclut CowBella (Lisa pour sa maman). "Ça réveille quelque chose de primitif en moi. Je regarde les gens dans la foule et je pense: "Me voici, c’est moi. On est des animaux, vous autres aussi. Alors soyons fous!"" Prêts à rugir avec l’hydre?

À écouter si vous aimez /
The B-52s, Blondie, Prince

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NUITS POLAIRES 2010

En plus de danser avec Creature et Radio Radio samedi soir, l’édition 2010 des Nuits polaires sera l’occasion de voir Les Trois Accords sur scène pour la première fois dans la région depuis le lancement de Dans mon corps, alors qu’ils seront en spectacle au parc Champlain vendredi soir, dès 20h. Auparavant, à 19h, un spectacle pyrotechnique aura lieu au Parc portuaire, puis les spectateurs seront conviés à suivre un défilé de percussionnistes, danseurs et amuseurs publics jusqu’au parc Champlain. Toujours vendredi, Alain-François donnera un concert à la Maison de la culture, où Elsiane performera à son tour samedi soir. Mentionnons enfin que lors de la grande fête familiale qui aura lieu au centre-ville dimanche, de 11h à 17h, Nicolas Pellerin et Les Petites Tounes offriront des prestations musicales. (K. Laforest)