La Roux : La Roux tourne
Musique

La Roux : La Roux tourne

La Roux entame l’année avec une tournée impressionnante où les dates se bousculent. La rançon de la gloire pour la rousse Elly Jackson, qui poursuit sa conquête avec son partenaire Ben Langmaid.

L’automne dernier, elle prenait d’assaut la scène américaine avec une visite éclair pour soutenir la sortie à l’échelle internationale de son premier album éponyme. Pourtant, c’est à se demander si Elly Jackson conserve encore un souvenir précis de cette dernière visite. Alors qu’elle multipliait les spectacles en Europe depuis plus d’un an, après les succès conjugués des simples Bulletproof, Quicksand et In for the Kill dans son Angleterre natale, elle a pu constater les imprévus du métier. Sous les traits de La Roux, et en compagnie de son complice Ben Langmaid, elle a enfilé les spectacles sur le pilote automatique tellement elle était éprouvée par un vilain virus qui ne semblait pas vouloir lui donner de répit. Au moment de l’entrevue, la colorée interprète se remettait d’ailleurs d’une grippe qui l’a contrainte au repos complet il y a quelques semaines.

"Ça va beaucoup mieux maintenant, indique-t-elle. Je souhaite que cette prochaine visite chez vous soit moins éprouvante. L’année dernière, je ne peux pas dire que j’ai été en mesure d’en profiter comme je l’aurais souhaité. J’ai été malade durant toute cette tournée. Ce n’était pas facile de monter sur la scène chaque soir, j’étais épuisée. Malgré tout, je me rappelle que le public fut très réceptif. J’ai très hâte de revenir. La glace est cassée maintenant, cette visite sera sans doute plus concluante."

LE MOUTON NOIR DE LA POP

La Roux est maintenant bien établie. Avec un premier disque bien ficelé, qui fait référence avec brio aux standards pop des années 80, elle récolte déjà le succès critique et deux nominations pour la prochaine édition des Brit Awards. L’auteure-compositrice-interprète assumée et son associé ont pu faire évoluer un concept au caractère subversif qui a retenu l’attention d’une certaine élite underground tout en trouvant sa niche dans l’industrie avec l’étiquette Polydor. Ne cherchez pas chez Elly Jackson une nouvelle ingénue de la pop formatée qui domine les tribunes à sensations. Avec son look androgyne, elle semble en plein contrôle d’une direction artistique inspirée.

"Dans une certaine mesure, c’est vrai. Je reste en marge, mais je ne suis tout de même pas la seule. Il y a quand même beaucoup de jeunes artistes qui, comme moi, font une très belle carrière sans avoir à travestir leur musique dans un cirque superficiel. Nous ne sommes pas omniprésents dans les médias et les magazines. Nos vidéos, elles, ne tournent pas à un rythme infernal. C’est peut-être, en effet, parce qu’on ne joue pas assez la carte de la controverse. Awful! Mais je crois que ça change de plus en plus. En fait, il serait temps que cette industrie se réveille une fois pour toutes."

Avec le Golden Tour, La Roux se présente sur scène en toute simplicité et sans trop d’artifices. À peine une petite prédisposition pour les accoutrements rétro, parfois parsemés, ici et là, de références gothiques ou punks. Ce qui frappe, c’est surtout cette faculté qu’elle a de s’assumer avec un naturel convaincant. "Ça, c’est le genre de commentaire qui me fait du bien. J’ai toujours voulu que les gens puissent s’identifier à moi, c’est ça qui compte. Je reste une personne comme tout le monde. La seule différence, c’est que j’ai un hairdo extrême!"

LA RENCONTRE ET UN ALTER EGO

C’est à Londres, à Brixton, qu’Elianor "Elly" Jackson, fille de deux comédiens, vit ses premières expériences musicales. Autour d’elle – dans ce quartier qu’elle décrit comme étant avant tout très bruyant -, le dance hall et le reggae forment une trame sonore ambiante bigarrée. Jackson, elle, est plutôt passionnée par sa guitare acoustique, qu’elle trimbale partout. "La première fois que je suis montée sur une scène, c’était dans un petit pub du sud de Londres lors d’une soirée micro ouvert, se rappelle-t-elle. J’avais pris mon courage à deux mains, j’ai interprété mes compositions et fait quelques covers. J’adorais la musique folk. Tu n’en reviendrais pas si tu entendais ça aujourd’hui. Ça n’avait absolument rien à voir avec La Roux. Je pense que je m’exprime beaucoup mieux aujourd’hui, en tant qu’interprète, dans cet univers musical ponctué de synthés. Si j’avais persisté à faire de la musique folk, je ne crois pas que je serais allée très loin avec ma guitare."

C’est il y a cinq ans, lors d’une fête pour le jour de l’An, qu’elle a rencontré le musicien Ben Langmaid. "Ça a cliqué immédiatement entre nous, résume-t-elle. Nous avons passé beaucoup de temps au début à composer des chansons à la guitare acoustique. Après un certain temps, on s’est vite rendu compte que ça ne fonctionnait pas. Ce n’était pas le son qui convenait. Après quelques essais, le dance music et la pop synthé des années 80 ont fini par nous influencer beaucoup plus que la musique folk que j’écoutais constamment."

Après un premier démo pour la chanson Bulletproof, Elly donne naissance à La Roux, qui semble incarner le rôle de l’alter ego artistique tant souhaité pour la jeune interprète qui a baigné dans le monde du théâtre fréquenté par ses parents. "La Roux est très différente d’Elly, constate-t-elle. Je n’y avais pas pensé au départ. Ben et moi, nous étions surtout motivés à bâtir un répertoire. Le reste, c’est de la fantaisie, un accident de parcours. Lorsque tout est en place, que je revêts un costume ajusté et que je deviens La Roux, je dois t’avouer que c’est beaucoup plus facile pour moi de faire une performance. Elle a du caractère, La Roux."

Bien sûr, les hits mentionnés précédemment suscitent notre intérêt et semblent faire l’unanimité. Par contre, c’est aussi dans les ballades – telle que Cover My Eyes – que la jeune interprète de 21 ans se démarque avec une interprétation d’une justesse épatante. Difficile de ne pas penser au style baroque campé par Annie Lennox. "J’adore Eurythmics. Dave Stewart et Lennox restent des inspirations majeures, c’est sûr. Je suis très fière des ballades de l’album. Par contre, je remarque que les gens ne s’y attardent pas beaucoup. Quicksand, Bulletproof, voilà ce qui les interpelle. Et pourtant, moi, je trouve qu’il n’y a que les ballades qui puissent exprimer une part importante de ce que nous sommes: des émotions fortes et honnêtes."
À écouter si vous aimez /
Eurythmics, Prince, Heaven 17

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LILY ET ELLY

La Roux a pu profiter d’une vitrine exceptionnelle lorsque la chanteuse Lily Allen a invité en tournée le groupe à faire sa première partie en Angleterre. Un coup de foudre artistique qui s’est transformé en amitié. "J’ai décidé assez tôt de ne pas trop me mêler au jet-set de l’industrie, avoue-t-elle. Je n’ai aucune envie de collectionner les celebrity friends. En fait, je continue de fréquenter les personnes avec qui je sortais en ville alors que j’étais au lycée. La seule exception, c’est Lily. Elle est très correcte et elle s’est montrée très sympathique depuis nos débuts. Quel soutien! C’est l’une des rares à qui je fais entièrement confiance. Quand je suis dépassée par ce métier et quelque peu désorientée, j’appelle Lily. Elle est toujours là, présente et à l’écoute. Ses conseils sont très précieux."

Pris dans le tourbillon de cette tournée, le tandem trouve tout de même le temps de cogiter sur la suite de ce premier effort. Aucune pression ne se fait sentir pour l’instant, Jackson semble plutôt impatiente de retourner à la création. "J’espère que La Roux pourra continuer pendant plusieurs années. On a une tonne d’idées pour le prochain album. On n’a juste pas le temps d’être en studio pour les concrétiser. Je te dirais qu’en plus des synthés, il y aura sans doute beaucoup plus d’instruments qui feront partie de la réalisation. Et pour la direction musicale, peut-être une couleur disco."