Magnetic Fields : Les chants magnétiques
Musique

Magnetic Fields : Les chants magnétiques

Les Magnetic Fields, groupe de l’auteur-compositeur Stephin Merritt, lancent le très attendu Realism et entament une tournée. Rencontre avec un auteur-compositeur déroutant.

Stephin Merritt, tête pensante des Magnetic Fields, est un personnage dur à saisir. Un ours, un allusif dont l’air sérieux fait contraste avec un goût prononcé pour l’entourloupette, la fantaisie musicale.

Impossible de parler de l’oeuvre de Merritt sans rappeler son coup de maître: 69 Love Songs, une collection hétéroclite mais brillante de chansons d’amour sur le ton de la ballade, de la fanfare ou de la comédie musicale qui lui a valu un public fidèle, souvent féminin.

"On pourrait dire qu’il y a un petit côté girly, mignonnet dans certaines de mes chansons, c’est vrai. Je n’en prends pas ombrage. C’est même un compliment", concède-t-il de sa voix de baryton: "Mais ne le criez pas sur tout les toits, ça risquerait de m’aliéner mon public masculin!"

La musique chez Merritt est une affaire de métamorphose. Son oeuvre est d’une variété déconcertante. Sur Realism, on passe de la comptine enfantine à la ballade acide. Des filles, que l’on imagine jolies, chantent les joies d’un quatre-heures british sur The Dolls’ Tea Party, un homme passe un savon à un ex-amant sur You Must Be Out Of Your Mind.

Fidèle à son habitude, Merritt a signé une collection de saynètes qui n’ont pas grand-chose à voir avec la vie de leur compositeur. Realism serait donc un tissu de mensonges? La question l’énerve. "On ne peut pas dire que mes chansons souffrent d’un manque de réalisme. Ce n’est pas parce que les situations que je décris ne sont pas des expériences absolument personnelles qu’elles ne sont pas vraies."

Le travail de Merritt se rapproche plutôt de celui du romancier. "Cela fait plus de vingt ans que les journalistes me demandent si mes chansons sont autobiographiques. Je ne vois pas l’intérêt de la question." Au fond, Merritt a raison. Pourquoi devrions-nous traiter les auteurs-compositeurs différemment des écrivains? Lorsqu’on souligne que personne ne s’attend à ce que John Le Carré soit un véritable espion, il s’exclame: "Exactement! Je vais répondre ça la prochaine fois qu’on me posera la question!"

Realism s’inscrit dans la lignée conceptuelle de Distortion, le précédent album du groupe. Merritt explore une de fois plus la notion de perception, de l’illusion, notamment dans le couple. Sauf que sur Realism, à l’inverse de son prédécesseur, l’overdrive est à zéro, le folk sonne "authentique", vieillot même, sur des chansons comme We Are Having a Hootenanny ou Better Things, qui rappellent le folklore texan ou la chanson irlandaise du début du siècle dernier. L’album donne l’impression d’avoir été enregistré il y a très longtemps, dans les conditions du direct, quelque part dans une ferme du Tennessee ou des Midlands (c’est en fait dans une résidence de L.A. que la chose s’est faite). "C’est vrai qu’il y a un côté fait maison sur ce disque. Nous avons même enregistré certaines pièces dans des toilettes. C’est imbattable comme chambre d’écho."

Sur scène, Merritt n’a aucune intention de dupliquer les sonorités du disque: "On ne fait jamais du copier-coller du disque à la scène. Ce sont deux approches complètement différentes, on va mettre de l’avant un mariage ukulélé/piano électrique. Ça ne sert à rien de se répéter."

The Magnetic Fields
Realism
(Nonesuch)

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