Alain Lefèvre : La revanche du prodige
Alain Lefèvre continue de défendre avec vigueur et passion l’oeuvre d’André Mathieu. Un travail colossal qui se transporte jusqu’au cinéma.
Le pianiste Alain Lefèvre est fébrile en ce début 2010. Une grosse année pour cet interprète qui voit le travail qu’il a consacré à défricher l’oeuvre d’André Mathieu prendre une signification particulière. Le film réalisé par Luc Dionne et intitulé L’Enfant prodige: l’incroyable destinée d’André Mathieu sortira sous peu et Lefèvre en est l’élément central. Il en a non seulement élaboré la trame sonore, mais a aussi revêtu le titre de conseiller à la conception du scénario. Dans sa discographie, déjà sept productions touchent à la musique d’André Mathieu. "Le film a été un travail colossal, avoue-t-il. Il fallait tout réenregistrer. C’est une trame sonore, la musique rencontre l’image."
Raison de plus pour sortir des oubliettes quelques oeuvres du compositeur dont il s’est fait le spécialiste. En plus des quatre concertos, le pianiste s’est livré à un exercice de synthèse de l’ensemble des compositions du prodige disparu à l’âge de 39 ans. Couvrant d’éloges le travail du comédien Patrick Drolet, qui incarne le sujet du film, Alain Lefèvre n’a aucun doute sur l’effet qu’aura cette production auprès du public. À ses yeux, cette histoire et cette musique font corps et ne peuvent qu’émouvoir.
"Au mois de mai, je ferai aussi l’ouverture du pavillon canadien à l’Exposition universelle 2010 à Shanghai en interprétant André Mathieu, précise-t-il. Autant dire que ce sera devant le monde entier! C’est là-bas qu’aura lieu la première projection du film, et le 24 mai au Québec. Par la suite, je serai partout dans la province et ailleurs pour en faire la promotion. C’est pour moi la réparation d’une grande injustice."
Le pianiste au caractère romantique trouve aussi le temps de se consacrer à un travail plus introspectif et personnel. À preuve, il vient de faire paraître son quatrième disque à titre de compositeur, Jardin d’images. C’est d’ailleurs ses propres oeuvres qu’il nous offrira en récital lors de sa participation à l’événement-bénéfice au profit de l’organisme Fonds-GRIS-Québec, qui lutte contre l’homophobie et la transphobie. Une autre forme d’injustice que l’interprète dénonce sans hésiter.
"Le rejet et la violence, j’ai connu ça. La musique, c’est mon refuge. J’ai déjà participé à un grand événement-bénéfice pour la même cause aux États-Unis. Je ne nommerai personne, mais des gens richissimes y étaient. Avec mon épouse Johanne – ma Jojo -, j’avais rencontré un couple homosexuel dans le lobby de notre hôtel. Un couple très sympathique et qui s’affichait sans gêne. Je les ai invités. L’organisation a essayé de m’en dissuader. Je lui ai expliqué l’absurdité de la situation et lui ai dit que je ne jouerais pas. Elle a finalement accepté. Mais quel malaise à la table d’honneur! C’était peut-être la première fois que ces personnes, si "importantes", étaient confrontées à la différence." Douce revanche.
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