Pierre Lapointe : Sortir des rangs

Il est difficile d’imaginer Pierre Lapointe dans une période d’accalmie, exempte d’expériences artistiques extérieures au monde de la chanson et de la pop. Rappelons-nous que l’auteur-compositeur-interprète a l’habitude de se commettre dans des cadres d’expression scénique originaux avant de finaliser une production sonore. La Forêt des mal-aimés fut un spectacle avant de se métamorphoser en un succès discographique exceptionnel. Même réflexe créateur pour son dernier disque Sentiments humains, qui a connu un préambule avec son spectacle futuriste, quasi apocalyptique, intitulé Mutantès.

À peine avait-il eu le temps de nous présenter son dernier album qu’il s’est retrouvé, encore une fois, dans un atelier de création d’avant-garde l’été dernier avec les architectes Annie Lebel et Stéphane Pratte. Une performance "d’architecture musicale" qui a été présentée dans le cadre du OFFTA. Des choix qui semblent, encore aujourd’hui, décontenancer certains de ses nombreux admirateurs.

"Je suis comme ça, il faut que je sorte du cadre, constate-t-il. Réaliser des performances qui n’ont pas rapport avec ma carrière. J’ai rencontré ces architectes en question et après trois ou quatre rencontres nous avons élaboré un concept. Voilà tout. Je me suis retrouvé au centre d’une scène, dans ce studio de performance, à jouer du Tenori-on (instrument de musique électronique créé par Yamaha). Pendant cette performance instrumentale, trois équipes tissaient une forme de cocon rouge autour de moi avec des fils. À la toute fin, je me retrouvais pris dans une structure géométrique. Je ne chantais pas du tout. Mais j’ai constaté qu’il y avait des gens qui venaient entendre Pierre Lapointe. Bien sûr, il y a des commentaires: "Ben là, il ne chante pas!" On remet alors les choses en perspective et on rassure un peu tout le monde. Oui, Pierre, il va continuer de chanter!"

Avec les années, il admet lui-même qu’il a apprivoisé ce qu’il appelle "le pouvoir des ambiances" tout en délaissant les formes traditionnelles d’écriture. S’il est artiste caméléon et boulimique des arts visuels, cela ne l’empêche pas de revenir pour cette tournée avec un spectacle où la musique, elle, prendra toute la place. "Disons-le tout de suite: la musique sera à l’avant-plan, affirme-t-il. On ne se casse pas la tête et les interventions entre les chansons ne sont pas écrites non plus. C’est très libre et naturel comme concert."

Très occupé avec cette dernière tournée, Pierre Lapointe continuera aussi son petit bonhomme de chemin en France. "Là-bas, je constate que c’est une question de momentum. On peux-tu se dire que dans mon cas, ben, il n’est pas là!" avoue-t-il en riant.

"C’est très spécial en France, ajoute-t-il. Le seul artiste qui ne veut pas chanter en anglais parce qu’il ne peut endurer son propre accent, c’est M! Il va jusqu’à traduire une chanson des Beatles, pour son spectacle, en français! Tous les autres chantent maintenant en anglais: Émilie Simon, Camille… Alors imagine des artistes comme Dumas et moi, qui s’obstinent à tout faire en français… On a l’air de quoi?"

À écouter si vous aimez /
Katerine, Albin de la Simone, David Bowie