Owen Pallett : Il pleut des cordes
Owen Pallett nous explique comment il fera voyager les morceaux ambitieux de Heartland, enregistrés avec un orchestre, jusqu’à la scène où il s’accompagne d’un simple violon "loopé".
Heartland, troisième album d’Owen Pallett, est exigeant et dense, presque impénétrable et voulu comme tel. En pilote unique et un peu mégalo, l’érudit violoniste s’est payé la traite: "Je travaille seul, alors ça laisse beaucoup d’options. Même si je suis basé à Toronto, ce n’est pas comme si j’y avais un studio et une équipe. J’ai envisagé d’aller enregistrer à l’église d’Arcade Fire… puis j’ai décidé de plonger dans un nouvel environnement pour fouetter ma créativité en quelque sorte. Quand j’ai joué en Islande, au festival Iceland Airwaves, j’y ai rencontré les gens du studio Greenhouse (Björk, Bonnie Prince Billy, CocoRosie) et je me suis bien entendu avec eux. Je craignais d’être distrait de mon travail une fois rendu là, mais il faisait tout le temps noir!"
À travers ses pièces à grand déploiement qu’on dirait taillées pour remplir l’immensité de paysages vertigineux, on sent bien les affinités nordiques d’Owen Pallett. Ajoutez à cela la grandiloquence de l’Orchestre symphonique de Prague, rien de moins, auquel il a demandé d’émuler les principes de la musique électronique. "Je me suis retrouvé là parce que la formation anglaise The Rumble Strips m’avait engagé pour ses orchestrations. J’en ai profité pour enregistrer mes affaires en même temps." Le talent d’arrangeur du Torontois n’est plus un secret: Mika, les Pet Shop Boys, Arcade Fire, The Last Shadow Puppet et Grizzly Bear ont fait appel à ses services.
À l’écoute de Heartland, une question s’impose: comment reproduire sa grandiloquence en spectacle? "Je ne souhaite pas recréer l’album. J’ai écrit les pièces pour qu’elles puissent exister sous différentes formes: entonnées avec un orchestre comme sur l’album, ou avec mon violon "loopé", selon le contexte."
Sur Heartland, la voix d’Owen Pallett s’élève, claire, révélant de jolies lueurs cuivrées. On sent une certaine assurance, gagnée au fil du temps. "Pourtant, je n’aime pas chanter du tout. Moi, j’aime parler et boire! Un de mes musiciens passe son temps à fredonner, ça lui vient naturellement et je trouve ça beau. Je chante seulement quand j’y suis obligé."
Depuis son premier album (Has a Good Home, 2005), à travers un deuxième couronné du prix Polaris en 2006 (He Poos Clouds, 2006) et une poignée de maxis, Owen Pallett a vu son approche de la musique s’élargir: "Jusqu’à Heartland, j’avais toujours fait des albums que je destinais d’abord à mes amis et ma famille, à un cercle rapproché." Il continue de lancer des maxis, à petite échelle et en édition limitée, pour ce public privilégié, mais "soudain, j’ai eu envie de rejoindre un auditoire plus vaste. Pas au sens commercial", précise aussitôt Owen Pallett qui a fondé sa propre étiquette, For Great Justice Records, s’associant avec Domino pour assurer la distribution européenne. "Il y a de bons labels indépendants ici, mais je n’étais pas emballé par leur plan de marketing et j’ai décidé de faire les choses à ma manière", dit celui qui a redistribué la moitié de la bourse qui venait avec le prix Polaris à ses collaborateurs et l’autre à des bands qui l’enthousiasmaient. Tant dans sa musique que dans le processus qui entoure sa mise en marché, Owen Pallett – qui vient d’abandonner le nom Final Fantasy afin de ne pas se nuire dans le marché japonais où a été développé le célèbre jeu vidéo du même nom – fait les choses à sa façon, sans se ralentir dans son élan… Et c’est tant mieux pour nous!
À voir si vous aimez /
Andrew Bird, Patrick Wolf, Joanna Newsom