Ana Moura : « Envoye au Fado! »
Ana Moura est une étoile montante. Le volet Portugal du Festival Montréal en lumière 2010 n’aurait pu se passer d’elle. Et nous non plus…
"C’est un mode de vie assez mystérieux. Je dis mode de vie parce que, lorsque j’ai commencé à chanter dans les vraies maisons de fado, ma vie a complètement changé. Avant, par exemple, j’étudiais le jour, mais le fado, c’est vivre la nuit, comme ceux qui pratiquent vraiment cette discipline. Certaines maisons à caractère traditionnel n’ouvrent leurs portes que vers deux heures du matin. C’est un circuit très fermé. Cela dit, ce n’était pas vraiment mon choix personnel. Je crois plutôt que c’était mon destin."
Pourtant, cette voix profonde et riche semble ambrée de soleil, et Ana Moura porte volontiers des airs plus accessibles et plus joyeux. Si elle évite de dire son opinion sur l’apparence plus chic ou plus sensuelle que les nouvelles stars portugaises, comme elle ou la blonde Mariza, ont imposée depuis peu, la chanteuse, qui n’a pas 30 ans, se réfère aux robes noires de la sainte patronne du genre Amalia Rodrigues pour défendre que le fado a toujours exigé un certain glamour. Rien de comparable pourtant à cette image plus décolletée, plus moderne qui est devenue la marque de la belle. Moins austère que la Piaf de Lisbonne, elle acquiesce donc à cette expression que je lui suggère, que son fado porte "une robe plus légère".
"La première chose, c’est l’intériorité. Et puis dedans, on peut intégrer cette chose que l’on appelle le soul, l’âme, si vous préférez. Après, il y a le respect, l’intégrité d’une tradition."
Moura ne cache pas sa satisfaction d’avoir enfin complété Leva Me Aos Fados, un quatrième album studio qui ne manque pas d’éclat.
"Le titre est une invitation. Au Portugal, nous utilisons beaucoup cette expression pour dire: "Allons à la maison du fado ce soir, allons nous retrouver dans les clubs où l’on en joue." Amène-moi au fado, quoi!"
L’album contient aussi ce titre de pièce intrigant, Critica de la razao pura, qui paraphrase le texte philosophique. "Cette chanson-là, c’est ma liberté, explique-t-elle avec une langueur toute fadiste. Ce sont précisément les mots que j’aurais choisis pour décrire ma liberté et toute ma vie en ce moment."
Liberté, vous dites? La chanteuse, originaire de la petite ville de Santarém, a accepté l’invitation de son ami Tim Ries, le sax ténor des Stones, à participer au deuxième volume de sa folle aventure, le Rolling Stones Project, Vol. 2, sous-titré "Stones World". Ana, une ex-chanteuse pop-rock, choisit sans hésiter No Expectations, dont elle fait une adaptation portugaise incroyable en fado. La bande à Jagger et Richards est tellement emballée du résultat qu’on la rappelle pour qu’elle chante un deuxième titre, mais en anglais, s’il vous plaît. Tenez-vous bien: Brown Sugar!
Sur scène comme sur chacun de ses albums, la dame se contente encore d’un accompagnement sobre et strict. Seulement une guitare acoustique, une guitare portugaise et une basse, et sa voix ample qui nous convainc de tout. Vive le fado libre!
À voir si vous aimez /
Mariza, Amalia Rodrigues, Tim Ries