Wilco : Que ferait Wilco?
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Wilco : Que ferait Wilco?

Tel un pion en mouvement accéléré sur une immense planche de jeu "serpents et échelles", Wilco a vécu, en 15 ans d’existence, ce qu’un groupe normal vit en 50 ans.

Depuis sa naissance en 1994, la formation américaine Wilco a connu le pire: crise interne, maladie, conflit majeur avec son étiquette de disques, multiples changements de personnel, poursuite judiciaire, dépendance aux médicaments… Pourtant, on ne vous parle pas ici de rockeurs dépravés au caractère intempestif, mais bien de musiciens country alternatif rangés, loin du star-système, qui ont toujours fait de la musique leur priorité numéro un.

"C’est sans doute ce qui nous a sauvés", lance le chanteur Jeff Tweedy depuis son domicile de Chicago. "J’aurais perdu mon positivisme depuis fort longtemps si j’étais dans l’industrie de la musique pour vivre une vie de rêve et devenir une grande vedette multimillionnaire."

Chez les musiciens empreints d’un respect inébranlable envers leur art, chez ces gens soucieux d’une éthique de travail rigoureuse, revient toujours le même dicton devant les inévitables incertitudes et épreuves qui ponctuent une carrière: What would Neil Young do? (Que ferait Neil Young?), clin d’oeil à l’irréprochable authenticité artistique du Canadien dont Wilco a assuré la première partie lors d’une récente tournée nord-américaine. "Nous avons traversé avec succès tellement de périodes de crise que nous avons décidé de changer le slogan pour "What would Wilco do?", explique Tweedy, sourire en coin. C’est devenu une blague récurrente au sein du groupe."

Principal cerveau derrière la formation, avec le guitariste Nels Cline, l’accro au Coke Diète et aux mots croisés (fini, les anti-inflammatoires!) a raison de se réjouir. Après des années d’exploration, Jeff Tweedy a aujourd’hui trouvé une zone de confort, autant musicalement que sur le plan personnel. Paru en juin 2009, le septième album du combo, tout simplement titré Wilco, marque le début d’une ère nouvelle pour le groupe. Plus joyeux et moins psychédélique que ses prédécesseurs, le compact est l’oeuvre de musiciens en pleine maîtrise de leurs instruments. Les expérimentations tantôt vaporeuses, parfois abrasives des magistraux Yankee Hotel Foxtrot et A Ghost Is Born sont plus tempérées; elles donnent aujourd’hui un caractère unique aux mélodies de Tweedy qui se sont raffinées au fil des Being There, Summerteeth et Sky Blue Sky. "Nos intérêts musicaux sont toujours aussi variés, mais pour Wilco, nous voulions faire ce que nous n’avions jamais fait auparavant: produire un disque en se concentrant sur ce qu’on fait de mieux. Bref, lancer un album où nous serions bons de A à Z. Je ne dis pas que nous étions mauvais sur nos autres albums, mais il y avait toujours une facette musicale qui était nouvelle pour nous."

Cette idée de miser sur ses forces plutôt que de se réinventer s’inscrit dans le nouvel ordre de vie de Jeff Tweedy. "Les 15 dernières années auraient pu me faire vieillir de 50 ans, mais pour être honnête, je ne me suis jamais senti aussi jeune que maintenant. Je suis en forme, j’ai de l’énergie et je suis très enthousiaste face à mon métier, ce qui n’a pas toujours été le cas. Je crois que Wilco vit présentement sa meilleure période à vie. C’est ce que je voudrais encore être dans 15 ans: un musicien engagé dans son art et conscient du privilège de pouvoir exercer son métier sans souci." La table est mise. Prochain bilan en 2025.

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