Tinariwen : Prose de combat
Musique

Tinariwen : Prose de combat

Tinariwen poursuit sa lutte pour le peuple touareg avec ses guitares, une errance faite de chants et de musiques.

L’histoire de Tinariwen est fascinante et vaut à elle seule toutes les pages de ce journal. Une histoire de lutte identitaire et d’exil, de combat et d’affirmation, le tout d’abord transcendé par les armes puis par les mots et la musique. Donc, pour faire court, disons que la naissance du groupe (du nom de Taghreft Tinariwen, qui signifie "l’édification des pays") en 1982 est intimement liée à la situation d’errance du peuple touareg. Les musiciens de Tinariwen sont tous originaires de l’Adrar des Iforas, réfugiés dans les années 70 à Tamanrasset, en Algérie. Leurs chants appellent à l’éveil politique des consciences et abordent les problèmes de l’exil, de la répression et des revendications politiques. L’exil et la résistance sont d’abord les thèmes majeurs abordés par le groupe, mais au fil du temps et particulièrement depuis le pacte national signé entre le gouvernement malien et les mouvements rebelles en 1992, Tinariwen est devenu le symbole de la vie quotidienne au pays tamasheq. Un chant d’amour qui vient des temps d’épreuves, ancré dans le blues malien et états-unien, le rock et la musique traditionnelle touareg. Un chant d’amour où l’errance demeure. "Nous sommes des nomades", débute Eyadou ag Leche, bassiste de la formation joint lors d’un arrêt à San Francisco. "Nous sommes perpétuellement en mouvement, que ce soit en tournée avec le groupe autour du monde ou dans notre communauté."

Faute de moyens de communication modernes, la reconnaissance extérieure est venue tardivement pour Tinariwen. C’est surtout grâce à l’appui de vedettes telles que l’ex-Led Zeppelin Robert Plant que l’attention du public occidental s’est tournée vers le groupe à géométrie variable qui, sur la route, comprend quelque huit musiciens et qui, à la "maison", inclut pas loin d’une vingtaine de membres.

Sur scène et particulièrement sur certaines photos, les membres de Tinariwen, couverts de leurs habits traditionnels qui ne laissent paraître qu’une partie du visage et tenant leurs guitares comme on tiendrait un fusil, dégagent une image de guerriers, de rebelles. Si l’effet est impressionnant, il n’est pas du tout calculé. "Ce n’est pas une image fabriquée, mais plutôt une image naturelle. Nous sommes nés dans cette lutte pour la paix, la liberté et le développement. Chaque homme veut être libre et nous avons passé de nombreuses années à combattre pour notre liberté", précise Eyadou ag Leche. "Cette liberté, nous l’avons cherchée de 1963 jusqu’à tout récemment. C’est ce qui a amené la rébellion, mais aujourd’hui nous avons dépassé tout ça. Nous avons réalisé notre rêve. La guerre, ce n’est pas bon, mais c’est ce qui a amené la paix que nous recherchions. Reste que le pacte de 1992 n’a encore rien donné, donc la lutte persiste. Mais aujourd’hui nous faisons la guerre avec nos guitares".

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