Raôul Duguay : Du rêve à la réalité
Raôul Duguay se fait Néo Noé et il a soif. Le grand prêcheur retourne sur scène pour faire le pont entre les générations et chanter la liberté.
"Es-tu en contact avec l’univers? Sinon, assois-toi. On va en parler." Voilà une célèbre phrase du médecin et psychologue Carl Jung que Raôul Duguay aime bien citer pour expliquer son retour sur scène. L’auteur de La Bittt à Tibi, dans la campagne où il vit depuis 40 ans, pense à l’univers. À l’environnement surtout. Avec Noé en guise de symbole, celui-là même qui sauve l’espèce humaine et son environnement du déluge, il pense à l’eau. De là cette expression de son cru: "Néo Noé". La relation est inversée, c’est maintenant l’eau qu’il faut sauver.
Aux yeux de l’artiste, des solutions s’imposent, mais surtout une prise de conscience. La poésie et la musique seront les transmetteurs. À 71 ans, il reste passionné de liberté et revendique toujours le même idéal politique pour ce Québec qu’il aime: la souveraineté. "On est colonisés, constate-t-il. Je n’ai pas changé d’opinion. On est toujours colonisés. C’est juste que, aujourd’hui, c’est fait plus subtilement. Mais on n’est pas caves, on voit bien ce qui se passe. Pour moi, être souverain, c’est une démarche personnelle et c’est collectif par la suite. La liberté, voilà ce que c’est. La liberté, elle restera toujours au centre de mon discours et de ma démarche artistique. La liberté et l’amour. Que voulez-vous, je suis un grand rêveur!"
Tout de même, son parcours semble avoir marqué l’imaginaire de plusieurs Québécois au fil des ans. Dont le nôtre, notamment avec ce laboratoire sonore qui s’appelait L’Infonie. "Ce sont mes débuts, indique-t-il. J’ai commencé à être connu avec des lectures que je faisais sur Sketches of Spain de Miles Davis. J’étais trompettiste, et Miles Davis, c’était mon maître, mon idole. C’est un chef-d’oeuvre, cet homme! En faisant cet exercice, je me suis mis à chanter sur cette musique. C’était nouveau! J’ai rencontré Walter Boudreau (compositeur et directeur artistique du SMCQ) dans ces circonstances, alors que lui était un jazzman. Je l’avais emmené entendre un concert d’Edgar Varèse, avec Désert au programme. Ce fut un choc et il a décidé de devenir compositeur! Maintenant, tout ce qui reste de L’Infonie, c’est cette relation entre Walter et moi. Deux oeuvres ont marqué l’histoire de ce groupe: Golgotha (de Walter Boudreau, une oeuvre pour voix et synthétiseur) et In C de Terry Riley."
Difficile de donner une étiquette précise à Raôul Duguay. Philosophe, humaniste, chanteur, poète, les désignations se bousculent lorsque nous regardons sa carrière. Une chose est sûre, l’artiste s’intéresse à tout. Une curiosité insatiable. "Je pense que vous avez le mot juste, j’ai été curieux, admet-il. Je suis un créateur, ce qui m’intéresse, c’est de découvrir et d’essayer. Je suis polyvalent et versatile. Normalement, c’est une qualité. Mais dans ce marché, sur le plan économique, c’est différent. C’était pas facile pour un agent de travailler avec moi. Un jour, c’était le trad, ensuite le progressif. Le lendemain, j’étais dans le jazz jusqu’au cou ou encore plongé dans la musique contemporaine. Si j’avais porté mon dévolu sur un style, les choses auraient été plus simples. Mais moi, je suis allergique aux étiquettes!"
À écouter si vous aimez /
Richard Desjardins, Loco Locass, L’Infonie