Real Estate : Le blues de la banlieue
Le quatuor new-jerséyen Real Estate chante le charme des faubourgs à coups d’hymnes indie-pop tranquilles.
À un jet de pierre de Bungalowville, on aime bien regarder l’autre côté du pont comme le royaume anonyme de la pelouse et des centres d’achat. Mais pour qui l’a troqué contre la froideur des dortoirs d’université, puis contre divers "vrais" boulots non concluants à la ville (en immobilier, par exemple), ça reste les racines, ça reste chez soi. Un chez-soi bien serein et accueillant lorsqu’on le retrouve, quelques années plus tard, et que, par doux désoeuvrement, on y fonde un groupe avec quelques amis du secondaire…
C’est ce sentiment de quiétude et de confort qui explique en partie le son relax, paisible du premier album éponyme de Real Estate, une belle petite surprise indie-pop parue en octobre sous le label indé Woodsist. Flanqué des fréquences coulantes du guitariste Matthew Mondanile et du bassiste Alex Bleeker, ainsi que des rythmes flottants du batteur Étienne Duguay (petit-fils de Québécois, oui), le chanteur et guitariste Martin Courtney contourne les histoires de filles et chante plutôt les après-midi au bord de l’eau, les chin-chin de vodka dans la piscine, les moelleuses journées d’hiver… Vous êtes à Ridgewood, New Jersey, mais vous pourriez tout autant être à Collectivité nouvelle, Longueuil, ou Bois-des-Filion, Laval…
"À propos de quoi d’autre pourrais-je chanter? C’est tout ce qui me vient en tête quand j’écris!" remarque Courtney lorsqu’on lui fait remarquer qu’en-dehors du hip-hop, chanter ses origines est un art qui se perd. "J’ai grandi dans un chouette endroit. Y retourner me l’a fait d’autant mieux réaliser. Mais l’esprit du disque vient aussi de l’étrangeté de s’y être tous retrouvés en même temps, moi et les autres. C’était comme si nous retournions à l’école secondaire, tout d’un coup. Nous avons tous vécu des choses durant nos études, puis, voilà que nous retournions tous dans la maison de nos parents, que nous reprenions soudainement nos activités de jeunesse…"
L’autre partie de l’équation, on s’en doute, est musicale. À lire sur le passé des membres (des projets rock, dont des groupes-hommage à Weezer et aux Strokes), on se demande comment Real Estate en est arrivé à ce son paresseux, quasi planant. "C’est ce qui est arrivé naturellement lorsque nous nous sommes mis à jouer ensemble", rétorque Courtney, lui-même assez chill. "Les chansons que j’avais composées se prêtaient à ce genre d’arrangements, j’imagine. C’est aussi, je crois, l’influence de groupes comme Galaxie 500, qui avaient une vibe calme. J’aime ce qui est calme", décrit le jeune homme, également adepte des sonorités plus classiques des Beatles, du soft rock "bien cheesy" des années 70 et de Grateful Dead.
Bref, c’est un peu par accident que Real Estate se retrouve aujourd’hui dans la mouvance indie-pop, un confluent qui n’a pas fini d’intriguer Courtney. "Il y a de ces tendances qu’on ne peut expliquer… C’est comme s’il y avait un inconscient collectif qui nous dirigeait vers quelque chose… Je trouve ça particulier qu’il y ait en ce moment tant de groupes qui font quelque chose de similaire. Tout le monde a sa couleur, mais il y a beaucoup d’influences partagées."
À voir si vous aimez /
Yo La Tengo, Galaxie 500, The Shins