Yaron Herman : Jazz libéré
Musique

Yaron Herman : Jazz libéré

Accompagné d’un quatuor à cordes, Yaron Herman nous livrera sa science dans le cadre du festival Jazz en Rafale. L’interprète n’a pas de limites et Britney Spears devient crédible.

"Au lieu d’y rester une semaine, j’y suis resté huit ans." C’est comme cela que le pianiste Yaron Herman nous résume son coup de foudre pour Paris. À peine débarqué de l’avion, en provenance de New York, celui qui devait retourner illico en Israël, son État natal, s’est retrouvé dans le tourbillon musical parisien. "J’avais pris un vol, qui n’était vraiment pas très cher, et je n’avais pas de correspondance, se rappelle-t-il. Je devais passer une nuit à Paris. Au lieu de ne rien faire, je suis sorti dans un club de jazz. J’ai parlé aux musiciens sur place, j’ai joué avec eux, et ils m’ont invité à participer à leur prochain concert la semaine suivante. J’ai dit oui."

Après la sortie d’un premier album solo en 2006, intitulé Variations, le musicien ne tarde pas à se faire remarquer. C’est avec A Time for Everything, paru un an plus tard, que la notoriété survient. En formule trio, accompagné par Matt Brewer (contrebasse) et Gerald Clever (batterie), le pianiste a revisité Björk (Army of Me), Leonard Cohen (Hallelujah), The Police (Message in a Bottle) et même Britney Spears (Toxic). "Ce sont des choix spontanés, dans la mesure où ces chansons sont proches de nous trois. Sauf peut-être dans le cas de Britney Spears!" avoue-t-il, sourire en coin.

"Au départ, c’était une blague. Britney Spears, elle représente, malheureusement, tout ce qui ne va pas bien dans le monde de la musique. Mais par la suite, nous avons constaté que c’était quand même un morceau incroyable. Au départ, on rigolait, et puis c’est devenu sérieux. Je me suis rendu compte qu’on peut prendre n’importe quelle matière, qu’elle soit simple ou superficielle, pour la transformer en quelque chose d’illuminé."

Herman est passionné de musique classique, alors il s’est permis sur le même album une relecture du Prélude n° 2 en si bémol majeur, op. 45 du compositeur russe Alexandre Scriabine. Il n’en fallait pas plus pour qu’il invite un quatuor à cordes, le Quatuor Ebène, à se joindre à lui en studio pour Muse, son troisième disque. "Cette rencontre avec le Quatuor Ebène était de circonstance, indique-t-il. Ce sont des musiciens qui s’intéressent beaucoup au jazz, et moi, je suis passionné de musique classique. En studio, tout s’est passé très vite. C’était beaucoup plus simple que je ne le croyais. Ces musiciens ont une connaissance approfondie du jazz et de l’improvisation. On s’est retrouvés dans une zone commune."

Le résultat est concluant, et Herman signe même une autre adaptation de Björk, la chanson Isobel, avec le quatuor. L’expérimentation est au centre de tout pour lui, et Opher Brayer, professeur et pédagogue renommé qui a croisé le chemin du virtuose, n’est pas étranger à son succès. "La clé, pour lui, c’est avant tout de maximiser son potentiel créatif personnel. Le but, dans tout ça, c’est de devenir libre. Comme artiste et comme individu. Il y a tellement de musiciens aujourd’hui… On n’a pas le choix! Il faut se libérer de ses peurs pour cultiver ce qui nous distingue."

À écouter si vous aimez /
Brad Mehldau, Jens Thomas, Friedrich Gulda

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JAZZ EN RAFALE: J’EN RAFFOLE!

De retour telle la proverbiale hirondelle, la série printanière Jazz en Rafale propose pour une dixième année consécutive une vitrine à la relève québécoise et un lieu de rencontre entre gloires locales et valeurs sûres de l’étranger. Pour cette édition charnière, les organisateurs recentrent l’événement autour des clubs du centre-ville: le Dièse Onze, le Upstairs et l’Astral. Outre le retour du prodigieux pianiste Yaron Herman, on retient les confrontations amicales entre les pianistes François Bourassa et Jean-Michel Pilc ou les guitaristes Sylvain Provost et Sylvain Luc, ainsi que les concerts du groupe Trombones Actions de Richard Gagnon avec pour invité l’Américain Steve Davis, et du lauréat du Concours de la relève Jupiter-Vandoren 2009, l’excellent Rafael Zaldivar. www.jazzenrafale.com (S. Péan)