Radio Radio : Ça vire dans la radio
Radio Radio nous régale avec une succession de hits qui risque de colorer votre accent. Récit démesuré d’une épopée.
Ne cherchez pas chez Radio Radio un porte-étendard des provinces maritimes. Si le trio revendique un accent et un vocabulaire caractéristiques, qui pourraient être perçus par certains comme un choix identitaire, toute forme d’idée politique est exclue de son discours. Même les récentes chicanes entre le Québec et le Nouveau-Brunswick, liées au rachat des ressources hydroélectriques de la province par Hydro-Québec, lui passent 100 pieds au-dessus de la tête.
"Les questions politiques, on s’en éloigne, indique Jacques "Jacobus" Doucet. Je pense qu’il y a même trois visions politiques distinctes au sein du groupe. Entre nous, on va surtout parler de sujets sociaux. Mais dès qu’on s’engage sur des questions politiques, ça ne marche plus. On laisse ça on ice. Des fois, je constate qu’on a un gars de la droite, un du centre et un autre de la gauche. Pour ma part, je ne sais même plus quelles sont les définitions exactes de la droite et de la gauche, alors…!"
À la veille de s’envoler pour Austin au Texas, où Radio Radio donnera six performances au festival South by Southwest, les MC Jacques Doucet, Alexandre Bilodeau et Gabriel Malenfant règlent les derniers détails du voyage. Avec le nouvel album Belmundo Regal en poche, qui devrait surpasser le succès populaire de Cliché hot, son premier album paru en 2008, tout s’annonce bien pour la formation.
Avec un mélange de français, d’anglais et de chiac, les musiciens se distinguent grâce à des formules-chocs qui restent ancrées dans notre subconscient. Impossible de ne pas décortiquer le livret pour parcourir les textes tellement les sonorités s’emballent et nous agrippent. Dekshoo est déjà un hit avec son refrain accrocheur et 9 Piece Luggage Set lui succède avec brio. "On joue beaucoup sur les sonorités, il faut que ça sonne bien, précise Jacques Doucet. Mais j’imagine qu’il y a aussi des trouvailles qui se perdent un peu à cause de notre accent. Au départ, on voulait être nous autres, et nous autres c’est comme ça qu’on parle. De toute façon, on rappe comme on parle."
Dans cette production brodée autour d’un personnage réel devenu par la suite une pure invention de leur esprit, les MC s’amusent toujours avec les clichés avec une pointe d’ironie qui nous rend le groupe très sympathique. Belmundo existe et ses récits imagés ont poussé le trio à lui rendre un hommage démesuré. "C’est un gars que nous avons rencontré en Nouvelle-Écosse, à Oak Island. Il a voyagé, fait du business, il a vécu beaucoup d’expériences. On a décidé de créer un personnage, très flamboyant! On a pas mal exagéré. Tu écoutes l’album et c’est comme un film. À la toute fin, Épopée de Belmundo (une pièce instrumentale qui clôt le disque) permet de réfléchir sur l’album en entier, comme la musique d’un générique alors que tu vois les main credits à l’écran."
Kim Ho (Creature) et la chanteuse jazz Whitney Lafleur, eux, feraient partie du générique en question. "On avait entendu Whitney sur une scène en Abitibi et on avait trouvé ça cool. Du bon vieux jazz! On l’a invitée. Lorsqu’on la revoyait, à la blague on lui disait: "Tu vas nous faire du Kenny G non-stop!" Je ne pensais pas que l’idée resterait pour la chanson." Un peu à l’image de la dynamique ouverte que les MC s’imposent en studio lorsqu’il est temps de composer. Un véritable brainstorming non-stop. "De toute façon, c’est souvent la première idée qui est la meilleure, constate Doucet. On part le beat, on se relance, et ça sort. À partir d’un refrain, il nous reste à travailler sur les détails, l’histoire et le texte de la chanson."
Enfant spécial, à titre d’exemple, impose un slogan en boucle quasi hypnotique. "Dès qu’un enfant pense trop, j’ai l’impression qu’on veut le faire taire. S’il pose trop de questions, c’est de l’hyperactivité et on va lui prescrire quelque chose. Ou bien il faudra l’envoyer en thérapie. C’est un peu triste, mais c’est ça. Pour ma part, je me mettais les pieds dans la bouche plus souvent que n’importe qui d’autre, surtout en classe. Tu poses une question et on te dit qu’elle n’est pas pertinente. Ben oui, mais donne-moi la réponse pareil! Même si c’est une stupide question, ben donne-moi une stupide réponse! L’important, c’est de communiquer, pas toujours de juger un individu."
"Mais il y a des chansons où c’est plus ou moins ça, ajoute-t-il. Pour Saint-Pétersbourg, on était un peu pas mal sous l’influence de certaines boissons alcooliques très fortes. J’ai écrit quelque chose en cinq minutes et j’ai décidé d’y aller."
"Temps tourne / Là ça vire et vire et vire et vire / Et là ça tourne pis ça vire et vire et vire."
À écouter si vous aimez /
Beastie Boys, Wu-Tang Clan et Omnikrom