Suzanne Vega : Le plus simple appareil
Suzanne Vega referme la boucle avec un exercice de style qui donne dans l’épure et permet de redécouvrir la richesse d’un répertoire parfois dévoyé par l’expérimentation.
C’est un peu comme si elle était revenue au tout début.
Les années 1980, Greenwich Village, New York City. Suzanne Vega aligne alors les petits boulots, révélant son talent dans les cafés, laissant à son filet de voix et à quelques accords de guitare le soin de soutenir des textes beaux, tendres et subtils, qu’elle souhaite dans la lignée des Reed, Cohen et Baez. Son premier album, éponyme, paru en 1985, témoigne de cette époque, dans un marché musical alors dominé par une pop synthétique et un rock teint blond platine.
Puis viennent 1987 et son second album, Solitude Standing, qui intègre des arrangements plus pop, et propulse un nouveau mouvement musical (suivront les Tracy Chapman et Edie Brickell) avec le succès planétaire de la chanson Luka, une ballade empruntant à la naïveté d’un narrateur-enfant pour aborder avec justesse le sujet terrifiant de la violence domestique.
Mais sous l’égide de réalisateurs aventureux (dont Mitchell Froom, son mari de l’époque), Vega s’éloignera ensuite du folk pour aborder des versants plus expérimentaux (dont témoignent les albums 99,9 oF et Nine Objects of Desire, pas dénués d’intérêt mais pas géniaux non plus) qui lui permettront surtout de s’aliéner le public des débuts, qui ne reconnaît plus son folk, désormais dénaturé.
"J’ai perdu beaucoup de gens avec ces disques, c’est vrai. Et il n’y avait pas que les arrangements qui étaient différents… Tout était différent. C’était une autre époque", confie-t-elle d’un débit lent, ponctuant ses phrases de silences réflexifs en exposant les motifs derrière la parution du premier d’une série de quatre albums (Close Up) sur lesquels elle reprend son propre répertoire dans le plus simple appareil: guitare et voix. Comme au tout début.
"J’ai rassemblé mes chansons selon différents thèmes, relate-t-elle. Pour le premier, ce sont les chansons d’amour, et suivront les recueils comprenant celles où il est question de personnes et d’endroits, d’états humains, puis de la famille. J’aimais l’idée de redécouvrir le catalogue, de réapprendre à jouer certaines chansons, de les déshabiller jusqu’au squelette pour exposer la mélodie, le texte… Tout est dans le texte, au fond. Pas besoin d’ajouter toute cette sauce en plus. C’est Leonard Cohen qui disait qu’il est inutile de trop en faire, l’émotion est là, dans les mots. Et ça suffit."
En résulte un folk frugal, mais étincelant de vérité, de fulgurances, de détresse, et parfois aussi de candeur. Un véritable contrepoison dans cette Amérique dont le coeur bat toujours un peu trop vite et fort. "Le folk semble revenir dans les périodes marquées par l’excès ou les crises, avance Vega. C’est relativement peu cher à produire, c’est authentique, concret, et c’est aussi mythique. Cette musique a un sens, une histoire. C’est pour cela que les gens ne cessent d’y revenir."
À écouter si vous aimez /
Joni Mitchell, Laura Nyro, Ani DiFranco