Marie-Pierre Arthur : Le beau risque
Marie-Pierre Arthur est arrivée dans le paysage de la chanson d’ici avec ses grands yeux noirs, son air un peu space, une jolie voix claire, sa drive de bassiste et un premier album éponyme sous le bras…
Déjà remarquée comme ovni en orbite autour de la constellation Karkwa, comme musicienne auprès d’Ariane Moffatt, de Mara Tremblay, de Stefie Shock, de Michel Faubert et de combien d’autres, Marie-Pierre Arthur s’est détachée du lot telle une Feist ou une Emily Haines s’aventurant hors du clan Broken Social Scene. D’ailleurs, elle pourrait être la petite cousine québécoise de ces rockeuses donnant dans un registre plus souvent tempéré que décapant, celui des Cat Power, Eleni Mandell, Mara Tremblay, Martha Wainwright et compagnie.
Vertiges et enivrements
"Depuis peu, j’ai le sentiment d’être devenue une chanteuse. Le switch a été long à faire dans ma tête, car je continue d’être musicienne pour d’autres artistes… Mais je sens que je suis en train de le vivre, maintenant, de l’assumer et de tomber dedans, sur scène, dans ma vie… Ce que j’ai trouvé plus difficile, c’est le côté abstrait des débuts, quand j’ai lancé l’album. J’ai eu du mal à m’adapter; la seule affaire concrète, à mes yeux, c’est de monter sur scène et de donner un show."
Qu’est-ce qui fait qu’une musicienne aussi épanouie et en demande, une fille de gang, décide un jour, comme ça, de virer sa vie et son agenda à l’envers en montant un projet solo? "L’idée que ça pourrait être le fun revenait en boucle dans ma tête… […] Pendant un petit bout de temps, je me suis sentie prisonnière de cette idée parce que j’avais pas encore compris le chemin à prendre. Je suis quelqu’un d’assez éparpillé; j’ai dû apprendre à mettre les morceaux ensemble, à réunir des idées de musiques et des bouts de textes…"
Marie-Pierre est donc arrivée à la chanson comme on plonge du plus haut tremplin d’une piscine olympique: en se lançant malgré le vertige, après avoir retenu son souffle, pour découvrir, à la fois immobile et en mouvement, le côté grisant de l’affaire. Pari tenu, plongeon réussi.
Sa tête à "on"
L’album est sorti au beau milieu de l’hiver 2009, et Marie-Pierre a ce sourire béat lorsqu’on lui apprend qu’il a beaucoup tourné dans le lecteur de la voiture lors des longs trajets sur l’autoroute, fidèle compagnon des vacances ou des virées dans les contrées lointaines. À cette époque, il nous apparaissait porteur de grandes questions existentielles sur lesquelles gamberger, le regard tourné vers les étoiles…
Mais depuis, on a eu le temps de s’attarder aux paroles du livret. Notre perception du disque a changé; on sait désormais qu’un projet d’affranchissement traverse tout l’album. La narratrice fait la paix avec les démons du passé, se libère de leur souvenir. On est en présence de quelqu’un qui choisit de tourner le regard ailleurs et de s’en aller droit devant. "Ça reflète bien ma personnalité parce que je suis rarement bien longtemps dans une même situation. Je me pose tellement de questions, je pense que ça se sent dans mes chansons."
À voir si vous aimez /
Mara Tremblay, Eleni Mandell, Karkwa