Poirier : Trois fois bouncera
Running High: une trilogie en un seul chapitre signée Poirier.
Il y a ceux qui concentrent puis espacent le plus possible leurs séjours sous les projecteurs, puis il y a Ghislain Poirier. Toujours un nouveau remix, un nouvel EP ou un nouvel album en chemin ou en poche; toujours une gig à venir le week-end d’après… Le DJ et beatmaker s’est imposé à force de productivité et de constance, chaque opération (studio ou aiguille) portant sa touche caractéristique de rythmiques percutantes et d’influences tropicales. Simple vague de plus dans une discographie en forme de long fleuve funky que ce Running High?
Pas tout à fait. Plus que tout autre chapitre depuis sa conversion de l’ambient au hip-hop, son septième opus en est un de ruptures. Avec son nom complet ("Les anglophones ne sont pas capables de le dire… Et ça me donne une distance personnelle."). Avec le hip-hop ("J’en fais encore pour les autres, mais ça n’est plus une priorité pour moi en tant qu’artiste."). Avec les concerts live, auxquels il a renoncé pour désormais ne se produire qu’en tant que DJ ("Il y avait trop de confusion dans la tête des gens. J’ai senti qu’il fallait que je choisisse entre les deux."). Mais surtout, pour les besoins de ce projet, avec la façon traditionnelle de pondre des albums.
En effet, le double Running High est le cumul de trois EP lancés en ligne et sur vinyle au cours de la dernière année (Soca Sound System, Run the Riddim et Low Ceiling), adjoint d’un CD additionnel composé de remix et de nouvelles versions des mêmes morceaux. Tout le contraire d’un détour pour pondre un album rapide, il s’agit plutôt de l’aboutissement d’une longue expérience, soigneusement planifiée. "Je voulais davantage marquer le statement de chaque genre que j’aborde", explique Ghislain, qui a conservé de ses années d’animation radio et de journalisme un souci de communication claire. "Je voulais éviter qu’on voie cet album comme un melting pot et qu’on ne sache pas comment en parler. J’ai préféré faire ça plus conceptuel en mettant les pièces de chaque genre sur des EP distincts au préalable. Ça me semblait particulièrement important pour le soca, puisque j’ose croire que c’est quelque chose d’assez particulier, qui ne se fait pas trop en dehors de Trinidad."
Objet de plus vagues allusions sur le précédent No Ground Under (2007), cette dernière muse de Poirier (une contraction de "soul" et de "calypso") servirait donc de rampe de lancement avec l’épisode Soca Sound System, lancé en février 2009. Suivraient les hommages au dancehall (Run the Riddim, paru en octobre) puis à la musique instrumentale (Low Ceiling, en février dernier). Trois oeuvres indépendantes, mais faites l’une en fonction de l’autre. "Quand je faisais mon truc dancehall, je réécoutais constamment le truc de soca, pour m’assurer que ça concorde au plan des textures et de la palette des sons. Et le troisième a été encore plus long à faire, puisque je voulais qu’il soit la brique manquante entre les deux précédents!"
Satisfait de l’expérience, Poirier estime signer ainsi un bouquet final plus concentré. "Chaque chanson pourrait être un single, résume-t-il. Il n’y a pas de filler, pas de chanson qui serve à faire le pont avec une autre. L’impression de continuité est moins forte, mais chaque chanson est puissamment indépendante!"
Poirier
Running High
(Ninja Tune)
En magasin le 30 mars
À écouter si vous aimez / Diplo, Switch, Spank Rock