Paul Piché : Speak français?
Lorsque Paul Piché part en tournée, il amène avec lui ses idéaux et ses rêves. L’artiste et le militant ne font qu’un, envers et contre tout.
Alors qu’il repart en tournée en compagnie de ses fidèles compagnons de route – le bassiste Mario Légaré, le batteur Pierre Hébert, le claviériste Jean-Sébastien Fournier et l’incontournable Rick Hayworth à la guitare -, Paul Piché reprend le flambeau là où il l’avait laissé, il y a une décennie. Non seulement l’auteur-compositeur-interprète nous a pondu un nouveau disque, Sur ce côté de la terre, mais il a fait un retour à la source jusqu’aux racines identitaires de sa carrière: les boîtes à chansons.
Nous le savons engagé, Paul Piché. Celui qui milite au sein du Conseil de la souveraineté du Québec n’en démord pas: les artistes ont leur place dans les enjeux sociaux qui sont débattus sur la place publique. "La population veut ça, constate-t-il. Un artiste représente le côté émotif des choses. Dans la vie de tous les jours, on a beau analyser un sujet ou un enjeu, en discuter, au bout du compte, pour un individu ou une société, c’est le coeur qui devrait décider. Malheureusement, c’est une dimension sous-représentée."
Il a eu son lot de tribunes à caractère politique et ses participations à la Fête nationale du Québec sont nombreuses. Ainsi, comment réagit le compositeur face à ces musiciens francophones qui choisissent de chanter en anglais? "Dernièrement, j’ai lu les arguments de certains groupes français sur les raisons qui les ont amenés à chanter en anglais. L’un de ces groupes mentionnait un exemple: Here Comes the Sun des Beatles (ndlr: Hey Hey My My citait la chanson récemment dans La Presse). Il disait qu’il serait ridicule de chanter "Voici le soleil", mais qu’en anglais ça marche. C’est sûr! Une traduction mot pour mot ne ferait aucun sens. Ne me quitte pas sonne bien en français, mais traduit mot pour mot en anglais, "Don’t leave me, don’t leave me", c’est assez ordinaire… Imagine Under My Thumb des Rolling Stones! Ce qui importe, c’est l’émotion que l’on veut véhiculer. Ces jeunes groupes qui nous sortent ces arguments, ce sont des ignorants."
Entendons-nous bien, Paul Piché relativise son propos en regardant l’émergence constante de jeunes auteurs et interprètes de talent. Il est loin d’être fataliste. Même la présence d’artistes anglophones au Québec, Patrick Watson par exemple, lui semble une très bonne chose. "C’est leur langue première, c’est parfait! Il faut tout de même défendre la liberté de pouvoir s’exprimer dans la langue que l’on veut, surtout en musique! Imagine si le Québec était un pays: je ne pourrais pas envisager qu’on puisse empêcher quiconque de s’exprimer artistiquement dans sa langue."
Concernant les Pascale Picard, Bobby Bazini et autres émules anglos, des artistes qui connaissent parfois plus de succès en France qu’au Québec, l’auteur tient un autre discours. "Pour moi, c’est l’abandon du français, avoue-t-il. En faisant ça, on se rejette soi-même. On ne peut pas chanter notre âme dans ces conditions. Je comprends que la barre est haute lorsque Brel, Ferré et Vigneault nous précèdent. Mais il faut défendre sa spécificité. Un Noir de Harlem, il va le faire. Avec son propre accent et ses mots, il va créer un rap. Tu le fais envers et contre tout."
À voir si vous aimez /
Bori, Pierre Flynn, Gilles Vigneault