Melissa Auf der Maur : La création devant le profit
Enfin, jour de délivrance pour Melissa Auf der Maur qui voit son projet Out of Our Minds se matérialiser. Analyse et critique de la bête.
Voilà maintenant deux ans que Melissa Auf der Maur nous parle en entrevue de son projet multimédia Out of Our Minds (OOOM). Outre son deuxième album solo, la production indépendante comprend un court-métrage de 28 minutes réalisé par Tony Stone (Severed Ways), une bande dessinée de Jack Forbes ainsi qu’un site Web combinant les trois formes d’art. Inévitablement, la sortie de OOOM est devenue un événement. Le public se retrouve devant plus qu’un simple nouveau disque; un bon argument de vente visant à contrer le piratage. Aujourd’hui, les artisans de la musique "doivent se diriger vers un business plus créatif", nous expliquait Melissa dès octobre 2008.
La musicienne montréalaise est fort bien placée pour comprendre les chamboulements vécus par l’industrie du disque. Bassiste pour Hole et les Smashing Pumpkins au cours des années 1990 et 2000, elle a vu les multinationales se remplir les poches sur le dos de la musique "alternative", merci Nirvana. Elle s’est ensuite retrouvée de l’autre côté de la clôture, celui des artistes abandonnés et/ou en conflit avec leur label déçu par des chiffres de vente en deçà des attentes. Lancé en grande pompe par Capitol / EMI en 2004, Auf der Maur n’a jamais obtenu de réel succès, et pour cause, la réalisation béton du compact ne faisant guère oublier la faiblesse mélodique des pièces de Melissa. S’ensuivit un long combat avec Capitol qui prit fin avec la fermeture de l’étiquette. "La meilleure chose qui pouvait m’arriver s’est produite", avait-elle déclaré à l’époque. Ainsi en avait décidé Melissa: dorénavant, elle gérerait sa carrière seule, s’associant à la petite boîte montréalaise Phi pour réaliser OOOM.
Si la fascination de Melissa pour le fantastique et le côté obscur de la force unit les différents volets du projet, l’album de la grande rouquine pourrait bien être dissocié du film et de la bande dessinée, tous deux intimement liés. Le vidéoclip de la pièce-titre fut bel et bien tourné dans le même environnement visuel que le film, qui a inspiré la pièce instrumentale The Hunt, mais là s’arrêtent les parallèles avec le court-métrage plus expérimental que narratif. Sans dialogue, l’oeuvre nous plonge dans trois époques reliées par le sang et les forces mystiques, où Melissa joue le rôle d’une femme moderne et d’une sorcière. Même si le choix de certaines scènes semble guidé uniquement par une motivation esthétique plutôt que par le désir de faire avancer l’histoire, la réalisation de Tony Stone rend justice à l’univers de Melissa, qui évoque celui de Twin Peaks, notamment grâce à de nombreux effets de reflets réussis.
Offert avec ou sans le film qui l’accompagne, le CD nous ramène les deux pieds dans le rock alternatif des années 90. Riffs très carrés. Distorsion léchée. Arrangements simplistes. Parfois à la limite de l’incantation, les chants de Melissa, souvent superposés, font preuve de plus de raffinement. Ils suivent la tendance progressive aux confins du gothique de l’album interprété la pédale au plancher, à l’exception de quelques accalmies appréciées (22 Below, Father’s Grave en duo avec Glenn Danzig). On pourrait reprocher à la musicienne de s’asseoir sur un style déjà fort exploité, mais elle ne prétend pas révolutionner le genre.
L’audace de Melissa réside dans l’ampleur du projet OOOM, une oeuvre différente et mieux ciblée que Auf der Maur.
Melissa Auf der Maur
Out of Our Minds
(MAdM / Phi)
Disponible en magasin et au www.xmadmx.com
À écouter si vous aimez /
Hole, Evanescence, Garbage